Faire de la France le leader de l’industrie verte en Europe, c’est en ces termes que le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique présente ses ambitions pour ce nouveau projet de loi autour de l’Industrie Verte. Nous vous présentons dans cet article les grands enjeux de ce projet de loi, les pistes de financement, et les impacts sur le dispositif du Crédit d’Impôt Recherche (CIR).
Ce projet s’inscrit dans la continuité des rapports publié en 2022 par le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) ou de la mission sénatoriale « excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l’erreur française » où fiscalité verte et reconquête industrielle étaient étudiées.
Bercy a transmis un avant-projet de loi « industrie verte » au Conseil National de la Transition Ecologique (CNTE) qui doit rendre son avis le 4 mai 2023. En parallèle, une consultation publique a été ouverte du 03 au 24 avril 2023.
Projet de loi « Industrie Verte » : quel impact sur le CIR ?
Plusieurs leviers sont étudiés pour le financement des propositions :
- Réduire les dépenses fiscales brunes (défavorables à l’environnement) en relevant certains taux réduits de la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Energétiques (TICPE)
- Agir sur le bonus/malus automobile en relevant le malus pesant sur les véhicules les plus polluants ou en renforçant la Taxe sur les Véhicules de Sociétés (TVS)
- Rationaliser le CIR
Le CIR qui a vu son coût augmenter de 648 millions d’euros en un an, est devenu la première dépense fiscale en 2022 avec un coût de plus de 7 milliards d’euros.
Sur ce dernier point, les mesures envisagées consisteraient à supprimer le doublement des dépenses pour les jeunes docteurs et la prise en compte des dépenses de veille technologique. Ces pistes d’économies avaient été proposées par le CPO il y a un an.
Néanmoins, avec ces « simples » aménagements, nous semblons loin des 300 à 400 millions que le gouvernement espère récupérer sur le CIR pour financer ce projet de loi.
La suppression du doublement des dépenses pour les jeunes docteurs est critiquable à plusieurs égards:
La fonction première du dispositif « jeune docteur » est de corriger une discrimination à l’embauche des docteurs, relativement aux ingénieurs. Une étude[1] réalisée en 2015 estimait que comparée à celle de l’ensemble des diplômés, la probabilité d’embauche des docteurs en CDI à la R&D augmente de 26,3 % par rapport à celle des ingénieurs, grâce à ce dispositif.
De plus, la suppression du doublement des dépenses auprès des jeunes docteurs pourrait être un nouveau frein à la collaboration public-privé en matière de R&D. En effet, dans son rapport « Le crédit d’impôt recherche en 2018 », le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche révèle un effet indirect du dispositif « jeune docteur » sur les sociétés y faisant appel « leur propension à se tourner vers la recherche publique est plus grande. Les entreprises bénéficiant du DJD confient 39 % de leurs dépenses de recherche externalisées à la recherche publique, contre 35 % pour l’ensemble des déclarants ».
Enfin, piste également évoquée par le CPO et brièvement discutée dans le cadre de la loi de finances pour 2023, le CIR vert n’est plus à l’ordre du jour. Les difficultés identifiées sur la mise en application d’un tel dispositif, comme la complexité à définir la R&D verte, ou sa conformité avec les règles européennes semblent avoir eu raison de ce projet.
Cet abandon du projet de CIR vert était également souhaité par le MEDEF qui, en réaction à ce projet de loi Industrie Verte, avait formulé des propositions sur le sujet en indiquant que la valorisation des innovations vertes serait plus performante au travers d’un outil dédié plutôt qu’en complexifiant le CIR avec une définition “verte” des dépenses.
Le projet de loi « Industrie verte » :
La crise du Covid révélant les manques du secteur industriel français et les mesures récentes américaines avec l’IRA (Inflation Reduction Act) fragilisant un peu plus l’industrie européenne, le gouvernement s’est fixé 2 objectifs majeurs avec ce projet de loi :
- Toute d’abord, que la France soit championne de toutes les technologies de rupture pour la décarbonation :
- hydrogène
- pompes à chaleur
- énergies renouvelables
- batteries
- semi-conducteurs
- Et ensuite accompagner l’ensemble de l’industrie française dans sa décarbonation. Elle représente aujourd’hui 19% des émissions de gaz à effet de serre en France.
Des groupes de travail ont été constitués sur ces différents sujets et sont pilotés par le député Guillaume Kasbarian. Les premiers travaux portant sur l’industrie verte se sont déroulés jusqu’à fin mars 2023 avec plusieurs propositions regroupées en 5 chantiers :
- Transformer la fiscalité pour faire grandir l’industrie verte
- Ouvrir des usines, réhabiliter des friches, mettre à disposition des terrains
- Produire, commander, acheter en France
- Financer l’industrie verte française
- Former aux métiers de l’industrie verte
Le premier chantier se dessine comme une réponse à l’IRA en ciblant les industries du futur au travers de mesures fiscales et de subvention.
Les propositions visent par exemple la création de crédit d’impôt et subvention pour accompagner l’industrie sur des trajectoires de décarbonation après vérification de critères d’atteinte de la décarbonation ou pour soutenir l’implantation en France d’entreprises de production de technologies clés de la transition.
Sur ces différentes propositions, la compatibilité avec les règles européennes devra être étudiée. Les récentes déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, le 4 décembre 2022 au Collège de Bruges « Nous réfléchissons maintenant à la manière de simplifier et d’adapter nos règles en matière d’aides d’Etat. » pourraient apporter un peu de flexibilité dans la mise en œuvre des mesures envisagées.
Nous restons particulièrement attentifs aux aménagements envisagés sur le CIR que ce soit dans le cadre de ce projet de loi ou de la future loi de finances pour 2024.
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[1] Margolis D. et Miotti L., 2015, « Évaluation de l’impact du dispositif ‘jeunes docteurs’ du crédit d’impôt recherche », Rapport du MENESR, octobre, 44 p.
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