L’année 2020 fût une année riche en rebondissements pour le Crédit d’Impôt recherche (CIR). D’une part, la crise sanitaire a conduit à l’adaptation des délais de procédures administratives, mais impacte également le suivi des temps CIR causé par la période de chômage partiel. D’autre part, de nouvelles jurisprudences ont éclairé et sécurisé la position du contribuable. A contrario, d’autres jurisprudences récentes apportent de l’insécurité pour les entreprises. Découvrez la rétrospective CIR de l’année 2020 :
CIR et impacts COVID 19
Report des délais fiscaux
En matière de contrôle d’éligibilité, les délais non échus au 12 mars 2020 ou commençant à courir au cours de la période allant du 12 mars 2020 au 23 août 2020 ont été suspendus lorsque la prescription est normalement acquise au 31 décembre 2020 (ord. 2020-306 art.10, ord. 2020-560 art. 1). Ainsi, les délais de reprise qui devaient normalement expirer au 31 décembre 2020 expireront le 14 juin 2021.
Cette prorogation du délai de reprise emporte la prorogation du délai de mise en recouvrement. En effet, de la même manière, les délais en matière de recouvrement des créances de nature fiscale ont été suspendus. Ces délais sont ainsi prorogés de 166 jours : un délai devant expirer au 31 décembre 2020, expirera donc en pratique mi-juin 2021.
En revanche, les délais pour effectuer des déclarations rétroactives et rectificatives pour le CIR 2017 expiraient bien au 31 décembre 2020 (sous réserve de la date de clôture effective de l’exercice).
Impact du chômage partiel sur le calcul du CIR 2020
Dans le cas du chômage partiel, le salarié perçoit au minimum, une indemnité versée par son employeur à hauteur de 70% de son salaire brut (soit 84% de son salaire net) et portée à 100% pour les salariés au SMIC.
Cette indemnité :
- Constitue un revenu de remplacement et n’est pas soumise à cotisations sociales, il n’est donc pas compris dans le salaire brut ;
- Est remboursée par l’état et in fine, non économiquement supportée par l’entreprise.
Par conséquent, à notre sens et dans l’attente de publications officielles par l’administration fiscale cet élément de rémunération ne peut pas être considéré comme une dépense de personnel éligible au sens des §270 et 280 du BOI-BIC-RICI-10-10-20-20-20181205.
CIR et sous-traitance
L’année 2020 a été riche en rebondissements concernant les dépenses de recherche externalisées auprès d’organismes tiers. Elle marque un tournant important dans la prise en compte des dépenses externalisées puisque le Conseil d’Etat (CE, 22 juillet 2020, n°428127, FNAMS) a statué sur l’éligibilité des activités nécessaires externalisées au titre du crédit d’impôt recherche mettant un terme au débat avec l’administration fiscale.
En voici un extrait, exempt de toute ambiguïté : « Lorsqu’une entreprise confie à un organisme mentionné au d ou au d bis du II de l’article 244 quater B du code général des impôts l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour la détermination du montant de son crédit d’impôt quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche ».
Nous avons déjà noté depuis la publication de cette jurisprudence la prise en compte de cette position officielle par les services vérificateurs dans les procédures en cours.
Quelques semaines plus tard, le Conseil d’Etat (CE, 9 septembre 2020, n°440523, TAKIMA) a de nouveau apporté une position officielle concernant cette fois-ci l’obligation prévue par la doctrine administrative (BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, §220), qu’avaient les sous-traitants agréés de déduire les sommes facturées à leurs donneurs d’ordres éligibles au dispositif du Crédit Impôt Recherche.
Les juges du Conseil d’Etat ont jugé que les commentaires administratifs ajoutaient à la loi, et que le sous-traitant agréé n’avait pas à déduire de son assiette de CIR un montant supérieur à celui des travaux engagés pour le compte d’un donneur d’ordre évitant ainsi d’impacter son assiette de CIR propre.
Autrement dit, le sous-traitant agréé n’a pas l’obligation de déduire le montant de la facture qu’il émet dès lors qu’il ne valorise pas lesdits travaux dans son propre CIR.
Malgré ces 2 décisions fortes, l’insécurité juridique demeure sur ce poste de dépenses suite à la publication du guide du MESRI 2020 excluant d’une part expressément la valorisation de la sous-traitance dite « en régie », et marquant pour la deuxième année consécutive une distinction entre la sous-traitance de capacité et la sous-traitance de spécialité que nous ne retrouvons par ailleurs dans aucun texte officiel en vigueur.
Nous marquons ici notre étonnement, car ces deux nouvelles tendances ne trouvent de fondement dans aucune disposition légale. Cela tend encore une fois à renforcer l’incompréhension des utilisateurs du guide du MESRI qui pour rappel n’a aucune valeur réglementaire et doit permettre une simplification du dispositif CIR pour les contribuables et non pas l’inverse…
CIR et mise à disposition de personnel
De nouvelles modalités sont apparues dans 2 jurisprudences récentes, qui viennent installer une sorte d’ambiguïté dans le formalisme éclairci depuis 2017.
En effet, les dépenses de personnel éligibles au crédit d’impôt recherche s’étendent aux rémunérations et aux charges sociales prises en charge par l’entreprise au titre de la mise à sa disposition par un tiers de personne afin d’y effectuer dans ses locaux et avec ses moyens des opérations de recherche. La mise à disposition de personnel répond à un formalisme rigoureux défini par le Code du travail relatif au prêt de main-d’œuvre à but non lucratif.
La position doctrinale, toujours en vigueur (§80 du BOI-BIC-RICI-10-10-20-20), a été consacré par un arrêt de principe du Conseil d’Etat (Conseil d’Etat, 25 janvier 2017, n°3906652). Dans cet arrêt, les juges avaient vérifié que les honoraires en litige étaient bien facturés à l’entreprise utilisatrice, en application d’une mise à disposition de personnel prévoyant que cette dernière prenait en charge des frais liés au personnel mis à disposition afin d’y réaliser des opérations de recherche dans ses locaux et avec ses moyens.
Dans ce contexte, 2 arrêts surprenants ont été rendus par les Cours administratives d’appel de Nantes et de Nancy au cours du mois de novembre.
- Le premier valide l’éligibilité de la mise à disposition, mise en place par le biais d’un contrat de mandat et non pas par le biais d’une convention de mise à disposition. Au surplus, aucune mention aux dispositions du Code du travail n’a été effectuée (CAA Nantes, 1ère chambre, 5 novembre 2020, n°19NT00453, SAS Kaufler-SMO International).
- Le second admet également l’éligibilité du personnel mis à disposition au titre d’une convention d’assistance et énonce qu’une mise à disposition n’est pas nécessairement facturée à prix coûtant par l’entreprise prestataire à l’exclusion de toute marge (CAA Nancy, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 19NC01780, SAS Financière d’Epinant).
Ces deux arrêts sont surprenants en ce qu’ils occultent le formalisme défini par le Code du travail et recréent de l’insécurité juridique pour les entreprises.
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