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Gestion des congés payés en entreprise : conseils et points de vigilance

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Les congés payés sont un droit fondamental pour les salariés, mais aussi une source de complexité et de risques pour les employeurs. C’est ce que récemment la Cour de cassation a mis en avant dans une série d’arrêts en date du 13 septembre 2023 déclenchant ainsi un véritable séisme au sein des entreprises. La Cour a ainsi jugé que le salarié acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail que l’arrêt de travail soit d’origine professionnelle ou non, comme le prévoit le Droit européen. On vous explique tout. 

Le législateur a alors été dans l’obligation d’intervenir pour une transposition des dispositions européennes en droit interne français. C’est ainsi que la Loi portant diverses dispositions d’adaptation au Droit de l’Union européenne (DDADUE) publiée le 22 avril 2024 a mis notamment le Code du travail en conformité avec le Droit Européen concernant l’acquisition des congés payés en cas de maladie.

Rappelons si besoin que ces nouvelles dispositions s’appliquent uniquement aux salariés du secteur privé bénéficiant d’un arrêt de travail (maladie ordinaire, accident du travail, maladie professionnelle). Sont donc exclus les salariés sans arrêt de travail en invalidité et en longue maladie.

Il n’en demeure pas moins qu’entre le calcul des droits, le décompte des jours, le paiement des indemnités et les obligations légales, la gestion des congés payés en entreprise est un véritable casse-tête pour les employeurs au travers des responsables des ressources humaines et des services paie.

Pour vous aider à y voir plus clair et à gagner du temps et de l’efficacité dans votre travail, voici 8 conseils pratiques et points de vigilance à respecter.

1 – Quand débute l’ouverture du droit aux congés payés ?

La première chose à savoir est que le droit aux congés payés s’ouvre dès l’embauche du salarié : celui-ci a le droit de partir en congés dès qu’il les a acquis.

Il peut donc partir en congés sans attendre la fin de la période d’acquisition, sous trois conditions : avoir effectivement acquis des congés payés, que la période de prise des congés soit ouverte et tenir compte de l’ordre des départs en congé fixé par l’employeur.

Le salarié acquiert 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail effectif sur la période de référence, dans la limite de 30 jours par an, qui va généralement du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1 (sauf dans certaines professions où la période commence au 1er avril).

2- Comment calculer les droits aux congés payés ?

Le calcul des droits aux congés payés n’est pas aisé, car il dépend de plusieurs facteurs, tels que :

  • L’ancienneté, l’âge, le handicap ou la situation familiale du salarié, qui peuvent lui donner droit à des jours supplémentaires de congés payés ;
  • Les absences du salarié au cours de la période de référence, qui pouvaient auparavant réduire ou non son nombre de jours acquis en fonction du motif de l’absence ;
  • Les accords collectifs applicables dans l’entreprise, qui peuvent prévoir des modalités particulières d’acquisition ou de prise des congés payés.

Il faut donc vérifier au cas par cas que les salariés n’ont pas été lésés dans leurs droits, en tenant compte de toutes les particularités qui peuvent influencer le calcul.

Intervient ensuite la notion de travail effectif ou d’absence ouvrant droit ou non à l’acquisition de congés payés. Toutes les absences n’ont pas pour conséquence de diminuer le nombre de jours acquis, certaines pouvant être assimilées à du temps de travail effectif comme indiqué ci-après ;

Avant la loi DDADUE (ancien art. L 3141-5 du Code du travail) :

  • Périodes de congés payés
  • Congé de maternité, de paternité, d’accueil de l’enfant, d’adoption,
  • Repos compensateur au titre des heures supplémentaires
  • Les jours de repos acquis au titre de la RTT
  • Journée défense et citoyenneté
  • Dans la limite d’un an, les périodes d’absence AT/MP

A compter de la loi DDADUE (nouvel article L 3141-5 du Code du travail) :

  • Périodes de congés payés
  • Congé de maternité, de paternité, d’accueil de l’enfant, d’adoption,
  • Repos compensateur au titre des heures supplémentaires
  • Les jours de repos acquis au titre de la RTT
  • Journée défense et citoyenneté
  • Les périodes d’absence AT/MP sans limitation de durée
  • Les périodes de maladie et accident non professionnel

Les arrêts maladie sont désormais légalement assimilés à du travail effectif pour l’acquisition des droits à congés payés avec cependant une limite induite par la création d’un délai de report visant à limiter l’accumulation dans le temps des droits à congés pour les arrêts de travail les plus longs.

Cependant, il convient de préciser que l’assimilation à du temps de travail effectif des périodes d’absence pour maladie professionnelle ou non ne va pas avoir les mêmes effets pour ces deux types d’arrêt.

Si comme indiqué au point 1, le salarié acquiert 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de temps de travail effectif limité à 30 jours ouvrables (ou 2,08 jours ouvrés limité à 25 jours) sur la période de référence), la loi DDADUE ne modifie pas ce décompte mais prévoit toutefois un décompte différent pour les périodes d’absence maladie non professionnelle. La loi limite ainsi le nombre de jours de congés à 2 jours ouvrables par mois avec un plafonnement à 24 jours ouvrables (ou 20 jours ouvrés) sur la période de référence soit 4 semaines comme le prévoit le Droit Européen si le salarié a été absent durant l’entièreté de la période.

3- Comment décompter les jours de congés payés ?

Le décompte des jours de congés payés lors de la prise par le salarié peut également varier selon plusieurs éléments, tels que :

  • Le nombre de jours de repos hebdomadaire au cours de l’absence ;
  • Le nombre de jours fériés habituellement non travaillés dans l’entreprise ;

Une vigilance particulière doit également être accordée aux salariés à temps partiel.

Il faut donc veiller à appliquer le mode de décompte le plus favorable au salarié, en respectant les règles légales et conventionnelles.

4 – La règle du report des congés payés instaurée par la Loi DDADUE

La loi DDADUE a crée une période de report de 15 mois calendaires lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité pour cause de maladie ou accident, de prendre ses congés payés au cours de la période de prise. Ce délai de report peut être augmenté par accord collectif.

Avec ce report, l’employeur est soumis à une nouvelle obligation : au terme de chaque période d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident, qu’il soit d’origine professionnelle ou non, l’employeur doit obligatoirement porter à la connaissance du salarié pour tout type d’arrêt et peu important sa durée :

  • le nombre de jours de congés dont il dispose,
  • le délai qu’il aura pour les prendre, en l’occurrence les 15 mois sauf disposition conventionnelle autre.

Comment remplir cette obligation ?

La loi prévoit que l’information doit être donnée dans le mois qui suit la reprise du travail (délai calendaire) et par tout moyen conférant date certaine à leur réception, y compris le bulletin de paie. En l’absence d’information, aucune sanction n’est prévue mais le délai de report est alors suspendu et et ne commence pas à courir.

Pour éviter les reports illimités, une règle particulière a été créé pour les arrêts de longue durée.

Pour les salariés dont l’arrêt de travail pour maladie ou accident (professionnel ou non) dure depuis au moins un an à la date de la fin de la période d’acquisition, le point de départ du délai de report va être automatiquement constitué à la fin de la période d’acquisition, c’est-à-dire que le délai de report débutera automatiquement et ce même si le salarié est toujours en arrêt de travail.

Si le salarié reprend le travail après au moins un an d’arrêt à la date de la fin de la période d’acquisition, le délai de report est suspendu et l’employeur est tenu de remplir son obligation d’information mais uniquement concernant la période du report restant à courir déduction faite des mois durant lesquels le salarié était encore en arrêt maladie.

A titre d’illustration :

Monsieur Maladie est en arrêt de travail sur la totalité de la période d’acquisition des CP. Il l’est toujours 5 mois plus tard au changement de la période. La période de report a donc débuté automatiquement à l’issue de la période d’acquisition. Monsieur Maladie reprend son activité le 6ème mois ce qui interrompt la période de report. Son employeur doit alors remplir son obligation d’information dans le délai d’un mois à compter de sa reprise. Une fois l’information transmise, Monsieur Maladie disposera alors d’un délai de 10 mois (restant du délai de report : 15 – 5) pour prendre ses congés payés acquis sur la période d’acquisition N-1 durant laquelle il était en arrêt de travail.

gestion congés payés salarié

 

En revanche, si le salarié ne reprend pas le travail, le délai de report continue de courir et à l’issue du délai de 15 mois, si le salarié est toujours en arrêt, les CP qu’il aura acquis durant la période d’acquisition seront ainsi perdus.

5 – Comment payer les indemnités de congés payés ?

 La vérification de l’indemnisation des congés payés est le point le plus complexe.

Le paiement des indemnités de congés payés doit se faire au moment du départ en congé du salarié, sauf accord contraire.

Les congés payés doivent être indemnisés selon la règle la plus favorable au salarié entre :

  • Le maintien de salaire qui prévoit que l’indemnité de congés payés est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler. Aucune modification n’a été apportée par la loi DDADUE, celui-ci continue d’être calculé à 100 %.
  • Ou le 10ème de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

De manière générale, la méthode du 1/10ème se révèle souvent plus avantageuse pour le salarié et de nombreuses entreprises appliquent le maintien de salaire en versant une régularisation sur le bulletin de paie du mois de mai ou de juin.

Aucune modification n’a été apportée par la loi DDADUE concernant les éléments constituant le salaire de référence pour l’indemnisation des congés payés. Concernant les absences AT/MP, le salaire reconstitué sera pris en compte intégralement dans la base du 10ème.

En revanche, s’agissant des absences maladie non professionnelle, la loi prévoit une adaptation des règles du 10ème. Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte pour la maladie non professionnelle d’une rémunération dans la limite de 80 %. En pratique, on va reconstituer le salaire mais le limiter à 80 % pour la prise en compte dans la base du 10ème.

L’erreur récurrente que nous pouvons relever au cours de nos accompagnements tient au calcul de l’assiette de l’indemnité :

  • Dans l’hypothèse de congés reportés ou anticipés,
  • Dans les éléments de rémunération à inclure ou non dans ladite assiette.

S’agissant de ce dernier point, la question des primes et gratifications est souvent une source d’erreurs.

Il convient alors de faire la distinction entre, notamment, ce qui est rémunéré en contrepartie du travail du salarié ou non.

En fonction des modalités de versement qui peuvent différer d’une entreprise à l’autre, voire en fonction des salariés d’une même entreprise, les services paie doivent adapter leurs calculs.

Après la question du salaire de référence, l’employeur doit ensuite déterminer le montant de l’indemnité de congés payés la plus favorable pour chaque salarié et peut tenir compte soit :

  • De l’horaire réel du mois,
  • Du nombre moyen de jours ouvrables (ou ouvrés),
  • Du nombre réel de jours ouvrables (ou ouvrés).

On ne peut évoquer le sujet de l’indemnisation sans évoquer également l’impact pour les entreprises des arrêts maladie antérieurs à la loi DDADUE.

6 – la rétroactivité dans la reconnaissance de droits à congés payés consécutifs d’une maladie non professionnelle

La loi a prévu un garde-fou dans la mesure où cette rétroactivité ne peut conduire à ce que le salarié en arrêt maladie pour origine non professionnelle bénéficie de plus de 24 jours ouvrables (20 jours ouvrés) de congés payés par année d’acquisition des droits à congés, après prise en compte des jours déjà acquis sur cette période.

Le délai pour agir va dépendre de la présence ou non du salarié dans l’entreprise au 24 avril 2024 (date d’entrée en vigueur de la loi DDADUE) :

  • le salarié a quitté l’entreprise avant le 24 avril 2024 : (démission, licenciement, rupture conventionnelle ou départ à la retraite) : il dispose d’un délai de 3 ans pour agir en paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés à compter de la rupture de son contrat ;
  • le salarié est présent dans l’entreprise au 24 avril 2024 : la loi précise qu’il disposera d’un délai à compter de son entrée en vigueur de 2 ans (date limite 24 avril 2026) pour agir en justice afin de réclamer des congés payés au titre des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009. Au-delà de ce délai, le salarié ne pourra plus agir pour des rappels de congés antérieurs.

7 – Quelles sont les obligations légales ?

La gestion des congés payés en entreprise implique également le respect d’un certain nombre d’obligations légales, telles que :

  • La fixation des dates de départ en congé en tenant compte des souhaits du salarié et des nécessités du service ;
  • La consultation des représentants du personnel sur l’ordre des départs et le calendrier des congés ;
  • L’affichage du tableau des départs en congés dans l’entreprise ;
  • La mention des droits acquis et des droits pris sur le bulletin de paie du salarié ;
  • La conservation des justificatifs des congés payés pendant cinq ans.

En cas de non-respect de ces obligations, l’employeur s’expose à des sanctions pénales et civiles, telles que des amendes, dommages-intérêts ou des rappels de salaire.

8 – Bien paramétrer le logiciel paie

Le dernier point de vigilance concerne le paramétrage du logiciel de paie, voire de l’outil de gestion des temps (GTA), qui détermine finalement les éléments devant figurer sur le bulletin de paie.

La maîtrise des règles de calcul ne met pas à l’abri l’employeur d’erreurs de paiement pouvant aboutir parfois soit à léser le salarié dans ses droits, soit à surestimer ses droits et/ou montants et augmenter ainsi la charge financière pour l’entreprise.

Les erreurs de paramétrages récurrentes que nous rencontrons, sans distinction de logiciel, concernent :

  • Le prorata des droits à congés payés en cas d’absence,
  • L’acquisition de congés payés supplémentaires,
  • La prise en compte du salaire de référence du mois qui précède le premier jour de congés pour la règle du maintien,
  • L’assiette de l’indemnité de congés payés pour le 1/10ème,
  • Le montant des indemnités versées pour les congés reportés ou anticipés.

L’automatisation et la systématisation du calcul des congés payés ne dispensent pas les services paie de certaines vérifications qui peuvent être chronophages mais qui sont primordiales afin d’ éviter les erreurs de paie et les conséquences sociales ou juridiques associées pour l’employeur.

Une double gestion, humaine et informatique, demeure souvent nécessaire.

La gestion des congés payés en entreprise est un sujet sensible et complexe, qui nécessite une attention particulière et une bonne connaissance de la réglementation.

Pour éviter les risques sociaux et financiers liés aux congés payés, il est conseillé de s’appuyer sur un logiciel paie performant et adapté à votre situation, qui vous permettra de simplifier vos calculs, vos décomptes et vos paiements, ou bien de vous faire accompagner par des experts spécialisés sur ces sujets.

N’hésitez pas à nous contacter pour découvrir nos solutions et bénéficier d’un accompagnement personnalisé.

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