Dans son dernier rapport de 2024, le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) souligne l’inquiétude des entreprises concernant la complexité et le coût du contrôle du Crédit Impôt Recherche (CIR). Face à ce constat alarmant, le MEDEF a réalisé un rapport qui est le fruit d’un travail mené sur deux ans en étroite collaboration avec les entreprises. L’objectif de ce rapport est d’identifier les difficultés et les axes d’améliorations dans le contrôle du CIR. Le MEDEF propose ainsi, quatre axes de propositions qui ne nécessitent pas de changement législatif, mais qui visent à améliorer les processus existants.
« Le contrôle fiscal du CIR est un sujet sensible et anxiogène pour les entreprises de toutes tailles et encore plus pour les PME (…). Certaines PME ayant des activités de recherche et développement (R&D) vont jusqu’à renoncer à bénéficier du CIR pour ne pas se mettre en insécurité juridique face aux risques d’un redressement fiscal coûteux, chronophage, et qui leur semble pouvoir se produire quels que soient les efforts et le temps consacrés aux opérations de recherche et à leur présentation ».
Dans cet article, et après chaque proposition du MEDEF, vous trouverez notre analyse AYMING issue de notre Benchmark lié à l’accompagnement de nos clients lors des contrôles fiscaux et demandes d’informations : un peu plus de 400 procédures sur les 24 derniers mois.
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1/ Concevoir une trame du dossier justificatif plus accessible aux entreprises, comme outil de sécurisation juridique du dispositif
Aujourd’hui, les entreprises constituent un dossier justificatif qui est remis à l’administration pour documenter leurs activités de recherche, chiffrer les dépenses éligibles et apporter des justifications en cas de contrôle. Le MEDEF a soulevé trois problématiques majeurs dans ce dossier :
1/ Le MEDEF constate que la constitution du dossier est complexe et très fastidieuse pour les entreprises, qui doivent aujourd’hui quasi systématiquement faire appel à des cabinets de conseil pour les accompagner. Le schéma du dossier élaboré par le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR), et notamment l’exigence de découper en série d’opérations de R&D ne permettent pas d’illustrer la réalité des difficultés rencontrées et des travaux menés. Le MEDEF préconise ainsi, de concevoir en collaboration avec l’administration fiscale, et les représentants des entreprises, un guide et une trame plus adaptée à la réalité des activités de recherche.
Analyse Ayming : La constitution du dossier justificatif demande aux entreprises de prendre de la hauteur sur leurs travaux de R&D afin de les présenter selon une orientation scientifique décorrélée de la vision produit. Nombre d’entreprises jugent nécessaire de se faire accompagner d’un conseil constatant notamment que leurs descriptions initiales de projets ne correspondent pas aux attentes de l’administration. Ayming rejoint en ce sens les préconisations faites par le MEDEF, à savoir revoir la trame afin de la rendre plus en adéquation avec la R&D en entreprise et moins orientée recherche académique.
2/ Ce dossier constituerait le seul et unique document à transmettre en cas de contrôle fiscal. Effectivement, à l’heure actuelle nous constatons que malgré les efforts des entreprises pour constituer un dossier CIR, il est de plus en plus fréquent que le MESR exige la production de documents supplémentaires très détaillés. Le MEDEF critique cette demande à plusieurs égards. Il s’agit effectivement, d’une demande hors prérogatives du MESR, qui nécessite un travail, hors de proportion, très coûteux en temps et en argent, et qui déstabilise les entreprises qui ne s’attendent pas à être contrôlées à ce niveau de détail. Ce contrôle est d’autant plus critiquable qu’il ne permet pas de mieux prouver que le projet de recherche réalisé par l’entreprise est éligible au CIR, dans le sens, où il ne permet pas de démontrer que l’entreprise a tenté de lever des verrous Pour cela, il conviendrait de regarder le processus de recherche dans son ensemble.
Analyse Ayming : Le niveau de détails demandés lors des interventions du MESR est particulièrement hétérogène. Nous observons dans certaines situations que les éléments de preuve demandés aux entreprises peuvent être décorrélés des prérogatives du MESR en matière d’éligibilité scientifique.
3/ Conférer une valeur juridique à un guide CIR coconstruit et faire respecter la non-rétroactivité. Effectivement, là encore, le MEDEF met en lumière un constat pénalisant pour les entreprises : la trame du dossier technique est révisée chaque année par le MESR, et en cas de contrôle, ce dernier fait application du guide CIR dans sa dernière version alors que les entreprises ont établi leur dossier sur la base du guide de l’année de réalisation des travaux.
Analyse Ayming : Le guide CIR du MESR est édité chaque année avec des évolutions plus ou moins marquées. Pour rappel ce guide n’a actuellement aucune valeur juridique et ne peut pas être opposable lors de procédure de contrôle. Toutefois, il est largement diffusé et utilisé en entreprise car il est la seule source présentant un modèle de dossier justificatif CIR. L’administration, ainsi que le MESR, s’appuie en effet sur la dernière version à jour pour demander des éléments justificatifs aux entreprises lors d’une procédure. Cette situation n’est pas acceptable pour les entreprises qui doivent parfois reprendre et adapter leur documentation technique pour qu’elle corresponde à la dernière version du guide en vigueur, alors même que ce dernier est paru parfois 2 à 3 années après le millésime de CIR concerné par le contrôle. Cette situation vient accentuer la complexité de la justification et le sentiment d’insécurité fiscale autour de ce dispositif. Conférer à ce guide une réelle valeur juridique serait une avancée et permettrait d’éviter d’avoir des positions divergentes avec la doctrine administrative (BOFIP) comme c’est le cas aujourd’hui.
En définitive, le MEDEF préconise la constitution d’une trame moins complexe pour les entreprises à réaliser, ayant valeur juridique, et qui constituerait ainsi, le seul document à remettre au MESR. Cette modification permettrait aux entreprises de sécuriser leur déclaration, et d’homogénéiser les contrôles.
Analyse Ayming : La réalisation d’un document unique et plus adapté à la réalité des travaux de R&D dans les entreprises serait un pas en avant vers la simplification de la justification. Cette proposition permettrait aux entreprises de mieux appréhender la phase de justification des travaux de R&D valorisés au CIR et surtout de l’initier en parallèle des calculs de CIR.
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2/ Fixer des règles d’organisation du contrôle du CIR à même de garantir la sécurité juridique des entreprises
Le MEDEF précise que l’intervention de deux administrations différentes, à savoir l’administration fiscale et le MESR rend la procédure de contrôle du CIR particulièrement complexe et dilatoire. Les entreprises sont confrontées à plusieurs intervenants, qui bien souvent « instruisent les dossiers à charges ».
Face à constat, le MEDEF propose plusieurs axes d’améliorations :
- Définir des règles de gouvernance organisant précisant les relations entre l’administration fiscale et le MESR. Le point essentiel étant notamment de rappeler que l’administration fiscale reste la seule responsable en charge du contrôle du CIR. Si elle s’appuie sur le MESR, elle ne doit pas pour autant, se reposer uniquement sur ses experts et leur déléguer le contrôle.
- Prévoir un échange contradictoire avec les experts. Il est notamment pointé qu’il n’existe aucune obligation de débat oral et contradictoire avec les experts du MESR, ce qui est très regrettable dans la mesure où l’administration suit systématiquement cet avis. Le MEDEF préconise ainsi, qu’en cas d’avis défavorable, celui-ci soit obligatoirement adressé à l’entreprise pour observation et dialogue avec l’expert. Par ailleurs, si l’entreprise le sollicite, une rencontre avec l’expert doit être possible au début du contrôle. Pour le MEDEF, il est d’ailleurs indispensable que l’administration fiscale participe à l’ensemble des échanges avec les experts puisque c’est elle qui, in fine, décide du redressement et doit le motiver sur la base du rapport d’expertise sous peine d’invalidation.
- Cesser la pratique du contrôle de l’euro à l’euro. Le MEDEF encourage le MESR à changer de méthode de travail. Effectivement, il y a aujourd’hui, une inadéquation entre les modalités du contrôle et l’allocation des moyens. Le nombre d’experts est insuffisant pour passer en revue l’intégralité des dépenses de CIR des entreprises, ayant pour conséquence, d’allonger considérablement les délais. Au lieu de contrôler chaque euro de dépense de CIR et d’y porter un regard hostile, les experts mandatés par le MESR devraient collaborer avec les entreprises afin de mieux appréhender les problématiques propres à la recherche privée. Un climat de confiance et de respect mutuel, considérant que les entreprises sont parties prenantes des enjeux de souveraineté, de création de valeur et de maintien des emplois scientifiques et techniques sur le territoire, doit être restauré. Et pour le MEDEF, cela devrait être encore plus vrai pour les petites et moyennes entreprises (PME).
- Garantir des délais de traitement de contrôle raisonnable. Les modalités de contrôle précitées et le manque d’expert, ont pour conséquence d’allonger considérablement la durée des contrôles qui peuvent s’étendre jusqu’à deux ans. Le MEDEF rappelle que cela affecte d’autant plus les entreprises que la durée du contrôle fiscale n’est encadrée par aucun délai maximum. Les entreprises n’ont donc, aucune visibilité. L’administration devrait garantir des délais plus courts, et en priorité pour les petites entreprises qui sont les premières à souffrir de ces délais. Bien que ce sujet ne concerne pas le contrôle du CIR, le MEDEF profite de ce guide pour dénoncer des délais d’obtention d’agrément du CIR bien trop long par rapport à la temporalité de la recherche et du CIR, pénalisant là encore les entreprises.
- Ne pas bloquer le remboursement de créances fiscales pour cause de contrôle fiscal. Un contrôle fiscal ne saurait autoriser, comme le fait actuellement l’administration de suspendre le remboursement des créances.
Le MEDEF préconise de rassembler l’ensemble de ces bonnes pratiques lors du contrôle fiscal en actualisant le Protocole du 20 janvier 2014. L’ensemble de ces principes pourraient faire l’objet d’un Charte du Contrôle CIR sur le modèle de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
Analyse Ayming : L’analyse des nombreuses procédures gérées par notre société chaque année nous permet d’abonder les propositions d’amélioration du MEDEF. Nos clients ont régulièrement l’occasion de rencontrer des experts du MESR qui se positionnent à la place de l’administration et de voir cette dernière suivre, sans une réelle appropriation l’avis des experts.
L’administration doit rester seule titulaire des redressements en analysant les avis d’expert sans les prendre pour argent comptant.
De plus, nous constatons également un blocage des remboursements de créances dans de nombreux cas de contrôle. Enfin, recentrer l’expertise sur la nature des activités valorisées et les démarches suivies par les entreprises sont une excellente proposition permettant de maintenir des procédures courtes et efficaces. Nous notons toutefois que, dans cadre d’un plan d’actions « simplification » présenté par le gouvernement en avril 2024 (dossier de presse de présentation du plan d’action « simplification » & https://www.senat.fr/leg/pjl23-550.html), ce dernier souhaite en effet raccourcir les demandes de restitutions d’ici à 2025 ainsi que les réponses liées aux demandes d’agrément CIR.
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3/ Renforcer les moyens de recours en phase précontentieuse
Le rapport du MEDEF pointe l’absence de recours suffisamment efficace durant la phase précontentieuse. Pour contrer cette difficulté, le comité consultatif du CIR mériterait d’être reformé tant dans sa composition que dans son fonctionnement. Effectivement, en l’état actuel, le comité consultatif montre ces limites en ce que, lorsque les entreprises le consulte, elles doivent réécrire un nouveau dossier de présentation différent du dossier technique, et attendre un ou deux ans pour que ce comité ait lieu. De plus, le MEDEF estime qu’à 75%, les demandes sont rejetées sans que l’entreprise ne puisse obtenir une expertise.
Le MEDEF ne souhaite pas la suppression de ce comité consultatif, mais apporte deux axes de propositions :
- Une amélioration de son fonctionnement en y intégrant un représentant du secteur auquel appartient l’entreprise, en permettant au Comité de solliciter un rapport d’expertise technique complémentaire auprès d’un expert venant du secteur privé ; et en désignant pour président une personnalité qualifiée dotée de compétences en matière de R&D.
- En parallèle, le MEDEF rappelle l’importance de faire appel au Médiateur des entreprises. Il conviendrait de renforcer son rôle en le faisant mieux connaitre et en augmentant ses moyens. Pour le MEDEF, il serait d’ailleurs pertinent d’y recourir en cas de demande documentation et justification disproportionnée afin que ce dernier soit en mesure de faire respecter les aspects formels de la procédure.
En définitive, ces moyens de recours permettraient aux entreprises de se prémunir de situations de blocages dangereuses.
Analyse Ayming : Notre expérience avec le comité consultatif rejoint l’analyse du MEDEF. Les délais initiaux, ainsi que l’utilité de la séance d’échanges, sont souvent mal vécus par les entreprises. Toutefois, une nouvelle procédure d’envoi des pièces directement au comité permet de raccourcir fortement les délais d’intervention. Une amélioration de son fonctionnement avec un représentant qualifié en R&D du secteur de l’entreprise serait un vrai plus pour éviter les « coups d’épée dans l’eau » et les blocages de procédure.
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4/ Réviser la procédure de rescrit afin qu’il puisse jouer un rôle de sécurisation du CIR
Le rescrit du CIR permet à une entreprise d’interroger l’administration fiscale afin de savoir si ses travaux de R&D peuvent donner droit au CIR. La demande doit être déposée au plus tard six mois avant la date de limite de dépôt de la déclaration CIR.
Si le rescrit est en théorie un moyen de sécuriser la déclaration CIR, le MEDEF a constaté qu’en pratique, il est très peu utilisé pour plusieurs raisons. Le rescrit doit effectivement, respecté un formalisme spécifique, et être déposé dans un délai contraignant. Par ailleurs, les réponses sont très généralement négatives, et ne sont pas fondées sur l’avis d’un expert MESR. Or, si l’entreprise reçoit une réponse négative, il lui est très risquée de procéder à une demande de CIR. Il peut alors, parfois être plus judicieux pour cette dernière, de procéder directement à une demande de CIR sans passer par le rescrit et justifier son dossier à posteriori lors d’un contrôle.
Afin que le rescrit puisse retrouver son rôle initial de sécurisation, le MEDEF propose de :
- Simplifier le formalisme du rescrit, et permettre son dépôt jusqu’à la date de déclaration du CIR.
- Donner la possibilité aux entreprises de présenter leur projet de R&D à un expert en cas de doute sur son éligibilité.
- D’accorder, en cas de réponse favorable, aux entreprises une procédure simplifiée en cas de contrôle fiscal.
Analyse Ayming : Le rescrit fiscal CIR est souvent cité par l’administration lors des procédures de contrôle, estimant que l’entreprise aurait dû passer par cette procédure afin d’éviter des complications futures. Au regard du nombre de rescrits réalisés par an, il est toutefois évident que cette procédure n’est pas adaptée dans nombre de situations. Particulièrement, comme indiqué par le MEDEF, le risque d’obtention d’une réponse négative fait planner un risque sur les futurs CIR de l’entreprise et explique à elle seule la non-utilisation de cette procédure. A l’inverse, l’acceptation d’un rescrit fiscal CIR devrait être un indicateur facilitateur de contrôle sur les projets concernés. Cette mesure serait donc très incitative sur l’utilisation du rescrit et aurait ainsi une vraie utilité.
En conclusion, ce rapport permet de mettre en lumière les failles du contrôle fiscal du CIR, qui conduit in fine, les entreprises, et plus spécifiquement les PME, à y renoncer par peur d’un contrôle fiscal anxiogène, et coûteux. Le CIR est pourtant un dispositif essentiel au développement de la recherche et de l’innovation en France, et au maintien de sa compétitivité à l’international.
Pour le MEDEF, il est donc, nécessaire que le contrôle fiscal du CIR soit repensé par l’administration en collaboration avec les entreprises, selon les axes d’amélioration précités. Ce besoin de clarification et d’insécurité autour du dispositif avait également été soulevé par une récente enquête de la DGE sur le dispositif qui faisait état que 17% des entreprises n’ont pas recours au CIR du fait de l’imprécision des critères d’éligibilité et aux formalités jugées trop lourdes, tandis que 70% des sociétés interrogées le jugeaient trop complexe.
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Ayming est un cabinet de conseil en innovation référencé CIR/CII par la Médiation des entreprises. Depuis juillet 2016, ce référencement vient récompenser l’engagement des consultants auprès vous dans la mise en œuvre des missions CIR/CII. Nous sommes à vos côtés pour votre déclarer votre CIR-CII avec les meilleures pratiques actuelles :
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