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Déclaration d’accident du travail tardive : quelles conséquences pour l’employeur ?

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Lorsqu’un accident du travail survient, l’employeur doit se conformer à diverses obligations déclaratives envers le salarié concerné ou la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), notamment effectuer une déclaration d’accident du travail dans les 48h suivant l’événement. Le non-respect des obligations déclaratives par l’employeur peut faire l’objet de diverses sanctions civiles, mais aussi pénales.

Pour rappel,

Quelles sont les obligations de l’employeur et du salarié afférentes à la déclaration d’un accident de travail ou de trajet ?

L’obligation informative du salarié : son non-respect n’est pas sanctionné

Pour le salarié, il est nécessaire d’informer son employeur de l’accident dès que possible, idéalement le jour même et au plus tard dans les 24 heures sauf en cas de force majeur, d’impossibilité absolue ou de motif légitime (L. 441-1 et R. 441-2 du Css). Le non-respect de cette obligation n’entraîne aucune sanction.

Les diverses obligations déclaratives de l’employeur sous peine de sanctions

L’employeur ou ses préposés sont tenus de déclarer tous les accidents survenus par le fait ou à l’occasion du travail, ainsi que les accidents de trajet dont ils ont connaissance, à la CPAM du domicile du salarié (L. 441-2 du Css). Ni la gravité, ni les circonstances de l’accident ne justifient le défaut ou le retard de déclaration.

Par exemple, le malaise d’un salarié survenant quelques minutes après sa prise de poste doit faire l’objet d’une déclaration d’accident du travail. Les circonstances entourant le sinistre ou sa survenance peuvent en revanche justifier l’émission d’une lettre de réserves motivées.

Au sommaire de notre article dédié à la DAT tardive :

  1. Dans quel délai déclarer un accident du travail ou trajet ? Qui peut déclarer le sinistre ?
  2. Comment déclarer le sinistre ?
  3. Le cas spécifique du registre des accidents bénins
  4. Les autres obligations entourant les accidents du travail
  5. Focus sur les accidents du travail mortel
  6. Quelles sont les sanctions entourant le non-respect des obligations déclaratives ?
  7. Quelques exemples de cas de contentieux

1/ Dans quel délai faire ma déclaration d’accident du travail ou trajet ? Qui peut déclarer le sinistre ?

Cette déclaration doit être faite, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, dans les 48 heures, non compris les dimanches et jours fériés (R. 441-3 du Css). C’est à l’employeur, qui voudrait dégager sa responsabilité pour non-observation du délai de 48 heures, qu’il appartient d’établir que ni lui directement, ni l’un de ses préposés, n’ont été avertis de la survenance d’une lésion au temps et au lieu du travail.  Il n’est pas nécessaire que le préposé averti soit celui qui dispose d’une habilitation particulière pour représenter l’employeur (Soc, 17 juill. 1961 bull. Civ. IV, n° 790).

Ainsi, en pratique, Il est recommandé de considérer que le délai de 48 heures débute même si c’est un collaborateur non hiérarchique qui a eu connaissance du sinistre. En effet, c’est à l’employeur de mettre en place un processus déclaratif adapté, rapide et efficace afin que les informations puissent être remontées et l’accident déclaré dans le délai imparti.

En cas de litige, la détermination de la date à laquelle l’employeur ou ses préposés ont eu connaissance de l’accident relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Civ 2ème du 09/12/2003, n° 02-30.063).

En revanche, s’agissant des accidents dont sont victimes hors des locaux de l’établissement les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 6°, 8° et 13° de l’article L. 311-3 du Css auquel renvoie l’article L. 412-2 du Css, le délai imparti à l’employeur ne commence à courir que du jour où ce dernier a été informé de l’accident.

A titre d’illustrations, un accident survenu sur le lieu du travail et connu par l’employeur un vendredi doit être déclaré au plus tard le lundi. Un accident survenu sur le lieu du travail et connu par un préposé le jeudi doit être déclaré au plus tard le samedi.

A noter que la force majeure peut être retenue comme un fait justificatif de la carence de l’employeur de déclarer l’accident dans le délai de 48 heures (Soc. 10 nov. 1971 Bull. civ. V. n° 655). La preuve de l’exécution de l’obligation de la déclaration dans le délai prescrit incombe à l’employeur (Soc. 28 nov 1991, RJS 1992, n° 77).

Ces délais restreints soulignent l’importance de recueillir rapidement les faits pour établir la déclaration d’accident du travail dans les temps impartis. Il est tout aussi crucial de recueillir des informations a posteriori pour comprendre pleinement les circonstances de l’accident, contribuer activement à la procédure d’instruction et prévenir toute récidive. Ces détails entourant l’accident du travail (ou de trajet) permettront également à l’employeur de formuler des réserves motivées.

  • En l’absence d’informations précises sur l’accident, il est conseillé d’établir une déclaration dans le délai de 48 heures impératif et le cas échéant, si des ajustements ultérieurs sont nécessaires, d’adresser à la CPAM un nouveau formulaire corrigé ou une lettre de réserves motivées dans les 10 jours suivant l’établissement de la première déclaration d’accident du travail (DAT).

En cas de carence de l’employeur dans l’établissement de la déclaration d’accident du travail ou si ce dernier ne parvient pas à l’établir, l’assuré (ou ses ayants droit) dispose de 2 ans à compter du jour de l’accident pour le déclarer directement à la CPAM.

2/ Déclaration d’accident du travail : comment déclarer le sinistre ?

L’employeur, ou l’un de ses préposés, peut rédiger une déclaration d’accident du travail ou de trajet par l’intermédiaire d’un formulaire CERFA qu’il est préférable d’adresser par lettre recommandée avec accusé de réception à la CPAM dont relève l’assuré.

L’employeur peut aussi faire une déclaration en ligne sur le portail net-entreprises. Il est possible de déclarer par saisie du formulaire à l’écran ou par dépôt de fichier structuré issu du logiciel paie. Une fois la déclaration envoyée, l’employeur reçoit alors un avis de dépôt et deux accusés de réception par mail qu’il convient également de conserver.

3/ Le cas spécifique du registre des accidents bénins

L’employeur peut tenir un registre des accidents bénins. Sa mise en place et sa tenue sont soumises à plusieurs conditions strictes qui sont énumérées dans un précédent article. Le non-respect de ces conditions de mise en place et de tenue peut faire l’objet de sanctions civiles et pénales (voir infra).

Seuls les accidents qui ne nécessitent ni arrêt de travail, ni soins médicaux, peuvent être enregistrés dans ce registre dans les quarante-huit heures, à l’exception des dimanches et jours fériés (article D. 441-3 du Css).

Si un accident enregistré entraîne ultérieurement un arrêt de travail ou des soins médicaux délivrés par un professionnel de santé, l’employeur est alors tenu d’adresser une déclaration d’accident du travail (CERFA) à la CPAM concernée dans les 48 heures suivant la connaissance de ce nouvel événement (articles R. 441-5 et L. 441-4 du Css).

4/ Les autres obligations entourant les accidents du travail

Une fois informé de l’accident, l’employeur devra remplir une feuille d’accident du travail et la remettre au salarié afin que celui-ci ne fasse pas l’avance des frais induits par son accident du travail.

L’employeur est également tenu d’adresser à la CPAM, en même temps que la déclaration d’accident ou au moment de l’arrêt du travail, si celui-ci est postérieur, une attestation indiquant la période du travail, le nombre de journées et d’heures auxquelles s’appliquent la ou les payes mentionnées à l’article R. 433-4, le montant et la date de ces payes (R. 441-4 du Css).

5/ Focus sur les accidents du travail mortels

En cas de décès d’un travailleur à la suite d’un accident du travail, l’employeur doit immédiatement et, au plus tard dans les douze heures suivant le décès, informer l’agent de contrôle de l’inspection du travail compétent pour le lieu de l’accident. Cependant, s’il peut prouver qu’il a été informé du décès après l’expiration de ce délai, le délai de douze heures commence à courir à partir du moment où il a eu connaissance du décès.

Cette information doit contenir les informations suivantes :

  • Les coordonnées de l’entreprise ou de l’établissement employeur, y compris l’adresse postale, l’adresse électronique et les numéros de téléphone ;
  • Le cas échéant, les coordonnées de l’entreprise ou de l’établissement où l’accident s’est produit, si différent de l’employeur ;
  • Les informations personnelles de la victime, y compris son nom, prénom et date de
    naissance ;
  • Les détails de l’accident, notamment la date, l’heure, le lieu et les circonstances ;
  • L’identification et les coordonnées des éventuels témoins.

6/ Quelles sont les sanctions entourant le non-respect des obligations déclaratives ?

L’employeur, qui n’aurait pas établi la déclaration d’accident du travail et adressé cette déclaration à la CPAM du lieu du domicile du salarié victime dans le délai de 48 heures, s’expose à des sanctions pécuniaires civiles et pénales.

Les sanctions ci-dessous, hors amendes, peuvent être prononcées pendant les 5 ans suivant la déclaration.

3 types de sanctions peuvent être prononcées :

Remboursement de la totalité des dépenses faite à l’occasion de l’accident déclaré (article 471-1 Css) 

Ces dépenses sont les suivantes :

  • Indemnités d’incapacité temporaire et prestations servies à la victime au titre de son incapacité permanente imputées sur le compte employeur et financées par l’employeur par le paiement du surplus de cotisations qu’elles génèrent ;
  • Intégralité des autres prestations servies à la victime tels que frais d’hospitalisations, indemnités journalières… ;

S’agissant du remboursement à la CPAM des dépenses occasionnées par l’accident, il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d’apprécier l’adéquation de la sanction à la gravité de l’infraction commise (Cass. Civ. 2ème 27/01/2022, pourvoi n° 20-16.365).

Pour exemple, la sanction a ainsi pu être écartée dans le cas suivant :  l’accident s’était produit à la sortie du travail le jour où l’entreprise fermait ses portes pour ses congés annuels et l’employeur n’en avait eu connaissance qu’à l’issue de cette période, date à laquelle il a fait la déclaration à la Caisse. Dans cette affaire, il avait été jugé que le défaut de déclaration dans le délai prescrit de 48 heures n’exposait pas l’employeur à l’obligation de rembourser les dépenses engagées par la CPAM (Cass. soc., 8 févr. 2001, n° 99-18.423).

Plus récemment, la Cour d’Appel de Pau n’a pas fait droit à une demande reconventionnelle de la CPAM de Bayonne, estimant que l’employeur, sans faute de sa part, n’avait été informé des circonstances de l’accident de nature à le faire considérer comme un accident de caractère professionnel que le 2 mai 2016, date à laquelle il avait adressé la déclaration d’accident du travail à l’organisme social, de sorte qu’aucun retard ne pouvait lui être valablement reproché (Chambre sociale – arrêt du 17/02/2022, RG n° 19/01654). Sur cette base, la Cour a infirmé la décision des juges de première instance.

Sanction administrative 

L’employeur, ou son préposé, peut également se voir appliquer une pénalité financière complémentaire en cas de non-respect des obligations relatives à la déclaration d’accident du travail : non-déclaration d’un accident du travail, non-délivrance au salarié de la feuille d’accident ou fausses allégations sur les circonstances d’un accident du travail.

L’article L. 471-1 du Code de la sécurité sociale confère en effet au Directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie la faculté de prononcer cette pénalité prévue à l’article L. 114-17-1 du même code.

Le Directeur de la Caisse primaire notifie à l’employeur les faits reprochés afin qu’il puisse présenter ses observations dans le délai d’un mois (art. R 147-2 Css).

A l’issue du délai d’un mois à compter de la notification ou après audition de la personne en cause, le Directeur de la Caisse primaire peut :

  • Soit, décider d’abandonner la procédure. Il en informe alors le chef d’entreprise concerné dans les meilleurs délais ;
  • Soit, dans un délai de quinze jours, prononcer un avertissement ;
  • Soit, dans un délai de quinze jours, saisir la Commission constituée au sein du Conseil d’administration. Après avis de la Commission, le Directeur de la Caisse primaire peut prendre sa décision, laquelle consistera soit en un avertissement, soit en une pénalité, à moins qu’il décide de ne pas poursuivre.

En cas de pénalité financière, son montant est fixé, en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 70 % du montant de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, forfaitairement dans la limite de quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale (soit 15 456 euros en 2024).

Sanctions pénales (art. R. 471-3 Css)

L’employeur qui n’a pas respecté son obligation de déclarer dans les 48 heures un accident du travail est passible d’une sanction pénale sous forme d’amende pouvant être constatée par l’Inspection du travail.

Pour les personnes physiques, le montant maximal de l’amende est :

  • Contravention de 4ème classe : 750 € ;
  • En cas de récidive dans l’année, l’amende peut être portée au montant de celle prévue pour les contraventions de 5ème classe soit un montant de 1 500 €.

Cas particulier de l’accident du travail mortel : si l’employeur a eu connaissance d’un accident du travail ayant causé le décès d’un travailleur et qu’il n’a pas informé l’inspection du travail immédiatement et au plus tard dans les douze heures suivant le décès, il sera puni d’une amende de 1 500 € (contravention de 5ème classe). En cas de récidive, ce montant est porté à 3 000 €.

A noter que l’’article 131-38 du Code pénal étant doté d’une portée générale, le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est toujours égal au quintuple de celui prévu par la loi pour les personnes physiques.

7/ Quelques exemples de cas de contentieux

Les CPAM sollicitent la condamnation de l’employeur à des sanctions dans le cadre des contentieux initiés dans les rapports Caisse / employeur.

Pour rappel, hors amendes, les sanctions susvisées peuvent être prononcées pendant 5 ans suivant la déclaration d’accident du travail et ce, à n’importe quel moment pendant les éventuelles procédures contentieuses engagées.

Les CPAM peuvent faire une demande reconventionnelle de condamnation financière de l’employeur pour déclaration tardive en cours de procédure (art. 70 CPC).

Pour exemple, Cass. Civ. 2ème 21/10/2021, pourvoi nº 20-14.161 :

« ALORS QUE, le délai imparti à l’employeur pour déclarer un accident du travail court à compter du jour où il en a connaissance, peu important qu’il en ignore les circonstances exactes ; qu’en annulant la sanction prononcée par la Caisse, au motif qu’aucune tardiveté ou négligence ne pouvait être reprochée à la société [1] pour avoir établi la déclaration le 25 mars 2013, dès lors qu’elle a ignoré les circonstances précises de l’accident jusqu’à cette date, si même elle a eu connaissance de sa survenue dès le 21 mars 2013, les juges du fond ont violé l’article R. 441-3 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 441-2 et L. 471-1 du même code. »

Autre exemple, devant la Cour d’Appel de Pau, la CPAM de Bayonne a fait valoir que la société avait été informée de l’accident le 16/10/2018, qu’elle n’avait établi la déclaration que le 22/10/2018 et qu’elle ne la lui avait transmise que le 25/10/2018, soit 9 jours après les faits.

Saisie d’une demande reconventionnelle sur le fondement des dispositions susvisées, la Cour d’Appel a fait droit à la demande de la CPAM au motif que l’employeur n’apportait aucun élément propre à étayer son allégation suivant laquelle il n’avait été destinataire d’un arrêt de travail rectificatif pour accident du travail et non pour maladie que le 22/10/2018 (chambre sociale, arrêt du 30/6/2022,
RG n° 21/01034).

Plus récemment, la CPAM de la Sarthe a fait une demande reconventionnelle de condamnation au titre de l’article L.471-1 Css devant la Cour d’Appel d’Orléans, laquelle a réouvert les débats afin de statuer sur la recevabilité de cette demande qui n’avait pas été présentée en première instance (Chambre sécurité sociale, arrêt du 13/02/2024, RG n° 23/00589).

 

Compte tenu de ce qui précède et notamment de la gravité des sanctions qu’ils encourent, les employeurs doivent faire preuve d’une vigilance accrue et respecter scrupuleusement leurs obligations déclaratives en cas de survenance d’un accident du travail ou de trajet.

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