L’intégration des docteurs dans le monde du conseil est un élément clé, formant une ressource essentielle dans l’innovation et la R&D des entreprises, comme en témoignent Gwenaëlle Gilbert et Guillaume Lamarque, tous deux docteurs :
Quels sont les rôles et responsabilités des cabinets de conseil pour améliorer le rayonnement de la France en Innovation ?
Il faudrait tout d’abord s’entendre sur la nature même de ce qu’est l’innovation. Ce terme est par essence polysémique : faites le définir par cent personnes et vous obtiendrez… 100 réponses différentes ! Ainsi, les indicateurs mesurés par la commission européenne, l’OCDE, la DGE ou l’INSEE sont très disparates et peinent à restituer une image fidèle de la « performance » d’un pays ou d’une organisation privée ou publique en matière d’innovation.
Ainsi, le premier rôle du cabinet de conseil en innovation est celui d’un clarificateur.
De quoi parle-t-on, que mesure-t-on, que voulons-nous améliorer, quelles sont les intrications ?
La définition la plus couramment rencontrée est que l’innovation est une nouveauté qui concourt à la pérennité, à la valorisation ou à la croissance d’une organisation. Cette nouveauté, qu’elle soit incrémentale ou de rupture, peut à la fois servir à :
- réduire les charges (innovations de procédés, organisationnelles, etc.)
- augmenter les revenus (innovations de produits, de marchés, de modèles économiques, etc.)
- améliorer la qualité de vie (innovations humaines et sociales).
L’innovation en France est depuis longtemps soutenue par les aides directes et fiscales. C’est aujourd’hui insuffisant, en particulier car le financement d’un projet d’innovation, par nature incertain, n’a jamais garanti son succès. Le coût de l’échec d’un projet d’innovation pouvant être important, l’enjeu principal actuellement n’est plus de financer le risque d’un projet d’innovation, mais bien de réduire le risque lui-même. Et les cabinets de conseil en innovation ont un rôle essentiel à jouer sur ce point.
Hier spécialisés en financement de la R&D, ils offrent aujourd’hui une large palette d’accompagnements qui contribue à mieux piloter ses portefeuilles de projets, manager les équipes et fluidifier les processus d’innovation, capter et intégrer de nouvelles ressources (technologies, talents, procédés, inventions), valoriser les résultats de la recherche, voire qui aide à la décision stratégique.
Comment les cabinets de conseil s’y prennent-ils pour mener ces accompagnements ?
Tout d’abord grâce aux moyens investis en veille technologique, analyse marché, prospective et scouting, tant sur les méthodes de prospection et d’analyse de données que sur leurs réseaux d’experts adéquats. L’accès à l’information, son analyse et sa qualification sur le terrain (par des experts ou de futurs clients) reste encore le meilleur moyen de conseiller les entrepreneurs sur leur stratégie. Sur leur expérience en management de projet (créativité, maturation, conception, faisabilité, ingénierie) et de l’innovation (systèmes organisationnels, mesure de la performance, gestion de portefeuille de projets, gestion des ressources humaines et financières, etc.) ensuite pour améliorer le pilotage des projets, fluidifier les processus ou encore fédérer les différents services d’une entreprise autours de l’innovation.
Savoir où, quand et comment mettre en place un processus de lean, agile, de design thinking ou de développement en stage-gate peut réduire drastiquement les cycles de développement d’un projet et augmenter ses chances de succès. Enfin, si l’innovation est au cœur de la stratégie de l’entreprise, le cabinet de conseil se positionne souvent comme partenaire privilégié du board pour mener des analyses technico-économiques, étudier la propriété industrielle, construire un business model et une roadmap ou niveler un plan d’investissement. Il sert à la décision stratégique et à sa mise en œuvre en somme.
Quelles sont les compétences essentielles chez les consultants en innovation ?
Des curieux, des esprits aventureux et surtout des passionnés !
Aucune mission de conseil en innovation ne se ressemble et souvent les accompagnements que nous construisons avec nos clients s’apparentent à de la haute couture plutôt que du prêt-à-porter. Nos consultants doivent donc souvent faire preuve de créativité, d’adaptation et de beaucoup d’agilité pour faire face avec leurs clients aux aléas inhérents aux projets d’innovation.
Les équipes sont généralement constituées de tous les profils de l’innovateur :
- des idéateurs,
- des expérimentateurs,
- des clarificateurs,
- des développeurs
- des intégrateurs.
Les qualités relationnelles comme l’écoute, l’empathie et le travail en équipe sont également essentielles au métier, tout autant que la communication orale et écrite. Bien évidemment, nous valorisons particulièrement les esprits vifs, la rigueur et la vitesse d’analyse ainsi que l’esprit de synthèse pour restituer des conseils clairs et intelligibles à nos clients sur des sujets souvent complexes.
Et en matière de compétences techniques ?
Nous misons sur des profils avant tout technique : la grande majorité de nos consultants ont au minimum un diplôme d’ingénieur souvent complété par un doctorat. Sans se prétendre expert d’un domaine, nous tenons présenter à nos clients une équipe de consultants qui saura rapidement adopter son vocabulaire, s’intégrer dans ses équipes, s’imprégner de sa culture ou maîtriser les enjeux de son secteur. La maîtrise des outils de veille et bibliographiques ainsi que l’expérience dans la conduite de projet sont des compétences clés pour rapidement progresser dans ce métier.
Le conseil en innovation requiert toutefois des compétences qui vont au-delà du seul savoir-faire technique : au cours des missions, le consultant développera également de solides connaissances en sciences de gestion, management, marketing et stratégie pour ne citer que les essentielles. Ainsi, pour les jeunes diplômés, les doubles cursus en innovation seront toujours appréciés par les recruteurs.
En quoi les atouts des docteurs correspondent aux compétences recherchées ?
Outre leur excellence scientifique, la majorité des compétences et capacités reconnues dans l’Arrêté du 22 février 2019 inscrivant le doctorat au répertoire national de la certification professionnelle sont des qualités recherchées dans nos métiers. Ainsi, le savoir-faire accumulé lors du doctorat en veille scientifique et technologique sera exploité pour toutes nos missions d’intelligence technico-économique ou de prospective. Ce sont des compétences clés pour réaliser des études d’opportunité ou d’impact, pour mettre en place une démarche d’open innovation ou de propriété industrielle ou pour du transfert technologique. Une autre qualité des docteurs est fortement appréciée en innovation : leur propension à prendre de la hauteur en face de problématiques complexes et diffuses et de construire des réponses structurées.
Chaque doctorant au cours de son projet de thèse rencontre des aléas : des résultats décevants ou non reproductibles, des protocoles défaillants, etc. De par l’incertitude même de ses travaux de recherche, il est amené à redéfinir ses priorités et sans cesse s’adapter aux événements. Au fur et à mesure des obstacles rencontrés, il développe ainsi des capacités de créativité, de persévérance et d’adaptabilité précieuses pour les cabinets de conseil en innovation.
Parfois confrontés à un management de projet complexe ou au contraire s’inscrivant dans un cadre collaboratif structuré, les docteurs possèdent à la fois une bonne autonomie de travail soutenue par leur sens des responsabilités et la capacité à travailler en équipe. Enfin, en entreprise, la connaissance du réseau académique constitue une valeur ajoutée : elle favorise les interactions entre recherche académique et recherche privée et permet de créer des opportunités de transferts technologiques, elle donne accès à des viviers de talents pouvant venir étoffer les services Recherche et Innovation, etc.
Pour un jeune docteur, quels seraient ses bénéfices à s’orienter vers les métiers du conseil en innovation ?
L’innovation se caractérise par un champ d’expression très large selon la taille de l’entreprise (de la petite start-up jusqu’aux grands groupes industriels), sa portée (innovation de rupture ou incrémentale) ou le secteur d’activité. Chaque mission nécessite de la part des consultants une ouverture d’esprit et une curiosité particulières pour appréhender toutes les facettes d’une problématique imposée. Dans une mission en innovation comme au cours de sa thèse, le docteur consultant se retrouvera dans un environnement non routinier satisfaisant une curiosité intellectuelle proche de la recherche.
Notre métier est donc un des rares offrant l’opportunité de mobiliser l’ensemble des connaissances scientifiques du docteur, des plus généralistes aux plus spécialisées, ainsi que ses « soft skills ».
Le conseil en innovation permettra également au docteur de développer sa relation client en côtoyant des acteurs de l’entreprise à très hautes responsabilités (du chef de projet aux membres du board ou du Comex). Autant de qualités valorisables dans l’évolution de leur carrière.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune docteur qui voudrait intégrer une société de conseil ?
Certains jeunes docteurs pourraient voir dans les métiers du conseil en innovation une sorte de renoncement après trois années passées en laboratoire de R&D. Au contraire, les consultants y voient une formidable opportunité d’aider à valoriser les travaux des chercheurs en innovations concrètes.
On peut comparer le métier du conseil à celui du cinéma. Si le consultant en innovation n’est plus l’acteur principal du projet, il est le premier assistant du directeur et du producteur pour s’assurer du succès du film en salle. En travaillant autant sur le scénario (idéation, maturation) et la pré-production (recrutement, partenariats, financements, faisabilité etc.) que sur la réalisation (management de projet) et la post-production (valorisation, communication…).
Notre principal conseil serait donc celui-ci : tâchez de savoir quel rôle vous souhaitez jouer dans le film. Ensuite, si vous souhaitez un métier qui permet d’élargir votre savoir-faire, de prendre de la hauteur, qui laisse peu de place à la routine et qui nourrisse votre curiosité et votre ouverture d’esprit, alors le conseil en innovation devrait vous plaire.
Le choix de l’orientation fait, des formations complémentaires, parfois même proposées au cours des cursus de thèse, peuvent permettent de se différencier. Enfin, préalablement aux entretiens une préparation est indispensable pour appréhender nos métiers et ensuite mieux « vendre » ses compétences. Si vous êtes convaincu, vous saurez nous convaincre et embarquer vos futurs clients et collègues !
[1] http://ec.europa.eu/growth/industry/innovation/facts-figures/scoreboards/
Travailler avec un jeune docteur, quelle valeur ajoutée ?
Pour nos clients, qui bénéficient d’un transfert de méthodes et/ou d’outils ou renforcent leur savoir-faire de façon à générer de nouveaux avantages concurrentiels et leurs produits de demain. C’est surtout vrai dans les PME et ETI, mais aussi dans les grands groupes industriels qui n’internalisent pas systématiquement ces capacités de recherche expérimentale et fondamentale amont. Pourtant essentielles au passage de l’idée ou de l’intuition… au projet.
Pour nous même, en tant que cabinet de conseil. L’apport de ces collègues est crucial lorsque nous menons nos propres travaux de R&D sur la stratégie et le management de l’innovation, tant dans la phase exploratoire pour suivre les avancées académiques plutôt expérimentales que la création des applications. Autant de méthodologies et outils qui généreront de valeurs lors de nos missions pour nos clients.
En conclusion, je dirais que les docteurs sont extrêmement complémentaires de leurs collègues diplômés de grandes écoles ingénieurs et de commerce, par les ponts qu’ils lancent entre le scientifique et l’académique d’une part, et la performance économique future des entreprises, d’autre part.
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