Sans cadre réglementaire ni politique structurés visant à améliorer la performance énergétique du secteur tertiaire français existant, ce dernier est considéré pour le moment comme un caillou dans la chaussure de la transition énergétique française.
Alors que les contraintes économiques de ce secteur ne cessent de croître, comment faire pour engager une démarche de maîtrise de l’énergie pragmatique et pérenne?
Une hausse régulière de 2% de la consommation finale d’énergie du secteur tertiaire existant
Depuis le début des années 2000, le développement à marche forcée du cadre législatif français de la maîtrise de l’énergie a permis d’arrêter la hausse de la consommation énergétique française globale. La baisse générale de la consommation touche ainsi depuis quelques années l’ensemble des secteurs : l’industrie, le transport, l’agriculture et le bâtiment. Ce dernier se compose du résidentiel et du tertiaire. Si le résidentiel est un fer de lance politique pour les gouvernements successifs, c’est qu’il représente la plus grosse part de la consommation d’énergie française avec 25%.
Néanmoins, la baisse des consommations du secteur du bâtiment cache une toute autre réalité. En effet, dès 2015, l’ADEME1, dans son étude Climat, Air et Energie, faisait état d’une hausse régulière de 2% de la consommation d’énergie finale du secteur tertiaire existant, et ce depuis 2000. Cette part du patrimoine français qui représente à elle seule 18% de la consommation globale française est un enjeu non négligeable dans l’atteinte des objectifs nationaux fixés par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Le secteur tertiaire possède une performance énergétique globale médiocre et reste globalement sur la touche des plans de rénovation énergétique déployés par les gouvernements alors même que la loi Engagement Nationale pour l’Environnement dit Grenelle 2, promulguée le 12 juillet 2010, prévoie à son article 3 l’obligation de travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments tertiaires. Cet article a d’ailleurs fait l’objet d’un décret, publié par Ségolène Royal le 10 mai 2017.
Ambitieux dira-t-on, à l’image des objectifs français en la matière, l’objectif était d’imposer une réduction de 25 % des consommations énergétiques tous usages d’ici 2020 et de 40 % d’ici 2030 pour l’ensemble des bâtiments existants à usage tertiaire de plus de 2000 m². Malheureusement, ce décret fut suspendu deux mois plus tard par le Conseil d’Etat du fait de l’incohérence entre les délais imposés par le décret pour atteindre les objectifs et la date de publication du texte.
Aujourd’hui, le secteur tertiaire doit se contenter de l’annonce du ministre de la transition écologique du 23 novembre dernier, relative au plan de rénovation énergétique du quinquennat en cours. En effet, au-delà des 12 Md€ prévus pour la rénovation de logements et notamment les passoires énergétiques, ce projet prévoit l’investissement de 5 Md€ pour la rénovation des bâtiments tertiaires publics. Si cette annonce a le mérite d’ouvrir la politique d’investissement au secteur du bâtiment tertiaire, l’impact de ce projet est à relativiser car les bâtiments publics représentent seulement 12 % du parc tertiaire national.
Des rapports d’audit oui, mais pour combien d’actions déployées ?
Et pourtant, le marché du service énergétique français est structuré autour d’une offre de valeur complète. Elle est composée à la fois des services qui contribuent en amont à l’efficacité énergétique (analyse patrimoniale et études d’ingénierie) et des services énergétiques eux-mêmes (installation, exploitation et la maintenance). De plus, la chaîne de valeur du marché des services énergétiques s’est enrichie de services transversaux qui englobent les deux composantes principales. Il s’agit ici du contrat de performance énergétique, du commissioning2, de la formation ou encore de l’ingénierie financière.
Toujours dans le rapport Climat, Air et Energie de l’ADEME, ce marché pesait en 2015 13,5 Md€. Ainsi, le secteur du bâtiment tertiaire, fort d’une offre de valeur pertinente, peut aussi compter sur un cadre réglementaire favorable qui utilise deux leviers pour permettre aux décideurs de s’engager vers la performance énergétique : l’incitation financière et l’obligation. En termes d’incitation financière, le secteur du bâtiment tertiaire peut profiter d’aides pour effectuer une analyse de son patrimoine, une étude de faisabilité pour rénover sa production de chaleur ou installer une production d’énergie renouvelable, des équipements performants ou de l’isolation.
En terme d’obligations, la dernière en date a été l’obligation pour les grandes entreprises d’effectuer un audit énergétique sur leur patrimoine, ce qui concerne une bonne part des bâtiments tertiaires existants. Cette obligation a pris fin en juin 2016. On voit que les gestionnaires de sites tertiaires ont à leur disposition de multiples services énergétiques et aides financières. Malgré cela, il doit y avoir une décision du gestionnaire, un engagement de la direction sur le déploiement des actions et un suivi de la mise en place des préconisations.
Et pour cela, il n’y a pas d’outil. Seuls du temps et des ressources sont nécessaires. Déjà en septembre 2016 l’ATEE3 soulignait dans un article d’Energie Plus le risque du fiasco de l’audit énergétique obligatoire qui serait causé par le syndrome du « rapport sur l’étagère », à savoir la non mise en place des plans d’actions préconisés en fin de rapport.
Notre retour d’expérience montre qu’effectivement, dans la majorité des cas, le rapport a bien été fait, les potentiels d’économies sont bien présents dont certains sans investissement, mais aucune action n’est menée. Pourquoi ?
N’attendez plus, agissez !
Le secteur tertiaire connaît actuellement un contexte dans lequel les exigences en termes de rentabilité d’actif et de confort des usagers sont élevées. Or l’efficacité énergétique est un levier qui permet tout d’abord de réduire les dépenses énergétiques et aussi de valoriser un patrimoine en optimisant sa valeur d’usage et en le rendant plus attractif. Pourtant, il subsiste des freins à l’activation du levier de l’efficacité énergétique.
Pourquoi le passage à l’acte, et donc le déploiement des préconisations, semble si difficile? On s’aperçoit que le temps et les ressources humaines étant des denrées rares en ces périodes de contraintes budgétaires, ce qu’il manque aux gestionnaires de sites tertiaires est un accompagnement opérationnel, une aide à la décision.
Nous constatons que nos clients réclament un tiers de confiance les accompagnant dans leur prise de décision quant aux actions à déployer sur leur patrimoine, dans le suivi du bon déploiement et dans la mesure des économies générées.
En effet, le suivi et la mesure des économies d’énergie sont essentiels pour permettre au gestionnaire d’analyser la rentabilité des actions menées. Notre expérience montre que sur des patrimoines tertiaires, de 10 à 15 % d’économies peuvent être générées sur le budget énergétique global avec un temps de retour sur investissement de moins de 2 ans.
En effet, si l’audit énergétique obligatoire a eu tendance à se focaliser sur des classiques : isolation par l’extérieur, mise en place de double vitrage et d’une ventilation double flux avec récupération de calories et chaudière à condensation, un diagnostic pragmatique et adapté au contexte permet de déterminer des actions plus ciblées et nécessitant moins d’investissement.
L’optimisation de l’exploitation de l’existant peut être un gisement d’économies très important. Ainsi, elles peuvent être réinvesties dans des actions permettant de valoriser à long terme le patrimoine.
1 : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie
2 : Processus d’assurance de la qualité, permettant de garantir au propriétaire le rendement et la qualité de son bâtiment
3 : ATEE : Association technique Energie Environnement- « Audit obligatoire : fiasco ou début d’un nouvel intérêt pour l’énergie » -Stéphane Signoret rédacteur en chef d’Energie Plus-Energie Plus du 15 septembre 2016-N°571
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