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Dans ce nouvel épisode de la voix des RH, nous allons aborder la gestion des accidents du travail du point de vue de l’employeur. Florence Bernier, juriste experte en droit social, et Gilles Scetbon, médecin coordinateur chez Ayming, apporteront leurs expertises pour vous aider à traiter ces incidents de manière efficace, tout en protégeant les intérêts de votre entreprise.
Dans cette épisode, vous découvrirez :
- Obligation de l’employeur en cas d’accident du travail
- Comment faire des réserves, quand faut-il en faire et surtout quand il ne faut pas en faire
- Les impacts de la reconnaissance d’un accident du travail
- La perception des actions de l’employeur
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Ecouter l’épisode de « La voix des RH » : gestion des accidents du travail
Florence Bernier : Bonjour à tous, me voilà de retour sur La Voix des RH, que j’ai contribué à lancer l’année dernière. Depuis, les épisodes m’ont énormément plu parce que ce podcast est pointu et propose des leviers pratiques et actionnables.
Aujourd’hui, on va faire la même chose. On va aborder un sujet très complexe de droit social, mais on va essayer de le rendre un peu plus simple et surtout pratique pour les entreprises, les RH et les employeurs qui nous écoutent.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Florence Bernier, juriste en droit social depuis une vingtaine d’années et créatrice de contenu sur LinkedIn, où j’essaie d’apporter un petit peu d’éclairage sur ce droit passionnant mais bien complexe. Aujourd’hui, pour aborder le sujet des accidents du travail, je suis avec Gilles, que je vais laisser se présenter.
Gilles Scetbon : Bonjour, je m’appelle Gilles Scetbon et je suis médecin. J’ai commencé une carrière de médecin généraliste avec un parcours un peu atypique, centré sur les pratiques de la médecine d’urgence, de la médecine du sport et de la nutrition. J’ai découvert un peu par hasard les intersections entre la médecine et le droit, ce qui m’a amené à connaître le droit pénal, la responsabilité médicale, l’assurance et les risques professionnels.
C’est comme ça que j’ai évolué vers la médecine d’expertise et la médecine de conseil. Je suis d’ailleurs médecin, notamment chez Ayming, depuis pratiquement dix ans.
Florence Bernier : Aujourd’hui, on va parler de l’accident du travail uniquement sous l’angle de l’employeur, c’est-à -dire quand il faut le déclarer, comment le déclarer, ce qu’il faut absolument faire ou ne pas faire pour protéger les intérêts de l’entreprise. Faut-il aussi forcément et toujours contester la reconnaissance d’un accident du travail ?
Je sais que tu vas nous apporter beaucoup sur ce sujet. Et on va commencer par une définition.
Alors rapidement, dis-moi Gilles, c’est quoi un accident du travail ?
Qu’est-ce qu’un accident du travail ?
Gilles Scetbon : Un accident du travail commence par un fait accidentel, qu’on appelle un fait générateur. Il doit être ponctuel et datable. Il entraîne des dommages et des lésions avec des conséquences physiques, psychologiques, ou les deux.
Florence Bernier : D’accord. Et à quoi peut servir de reconnaître un accident du travail ?
Tu me dis qu’un accident du travail est un fait accidentel qui génère des lésions. Finalement, est-ce que ça a un intérêt pour le salarié d’obtenir une déclaration d’accident du travail ?
Pourquoi et comment faire une déclaration d’accident du travail ?
Gilles Scetbon : En effet, le statut de reconnaissance de l’accident du travail permet de couvrir intégralement, dans la limite des tarifs conventionnés opposables, l’ensemble des soins et des consultations. Il permet également de maintenir le salaire et de verser une indemnité aux salariés qui conserveraient des séquelles à la consolidation, voire une rente. Enfin, il permet de percevoir une indemnité complémentaire s’il est établi que l’employeur a été défaillant dans les mesures de protection du salarié.
Florence Bernier : Dans ce cas précis, on va parler de faute inexcusable.
On n’en a pas parlé juste avant, mais sauf erreur de ma part, l’accident du travail survient dans des circonstances bien particulières, c’est-à -dire à un moment et dans un lieu où le salarié travaille.
Le cas particulier des accidents survenant pendant les heures de télétravail
Gilles Scetbon : Alors oui, les accidents qui surviennent en mission, par exemple chez des clients, sont aussi considérés comme des accidents du travail, dans la mesure où ils se produisent lors d’une mission effectuée par des travailleurs nomades.
Le télétravail est également une situation qui permet la reconnaissance d’un accident du travail, à condition que l’accident survienne pendant les heures de télétravail.
Une condition importante demeure : le salarié doit être bien subordonné à l’employeur.
Florence Bernier : Oui, c’est très intéressant.
Je pense que cela va générer une jurisprudence peut-être encore plus importante dans les prochaines années, car comme tu l’as très justement dit, à l’origine la définition nous parle du temps et du lieu de travail, mais aujourd’hui, qu’est-ce que représente exactement le temps de travail ?
Je pense notamment aux salariés en forfait jours.
Qu’en est-il du lieu de travail lorsque le salarié est en mission ou en télétravail chez lui ?
Tout cela va certainement engendrer pas mal de litiges. Aujourd’hui, il est clair que nous n’avons pas encore toutes les réponses.
Supposons qu’un salarié, dans une situation relativement simple quant au temps et au lieu de travail, ait un accident. Lorsque l’accident se produit, il le signale à son employeur.
Quel procédé suivre après le signalement d’un accident de travail ?
Florence Bernier : Quelles sont les premières actions que l’employeur doit entreprendre ? Quelle est la première étape ?
Gilles Scetbon : Tu as raison de commencer par la première étape.
La première étape consiste à informer l’employeur de la survenue de l’accident du salarié. En principe, le salarié doit informer l’employeur dans les 24 heures qui suivent l’accident.
Si cette information est transmise avec du retard, l’employeur pourrait légitimement remettre en question le caractère professionnel de l’accident.
Registre des accidents bénins : comment ça marche ?
L’employeur doit ensuite déclarer cet accident du travail. Il peut l’inscrire dans le registre des accidents bénins, si l’entreprise en dispose. Toutes les entreprises ne possèdent pas un tel registre, mais s’il existe, il peut être utilisé.
Il y a une condition essentielle : l’accident et ses conséquences doivent être mineurs, sans nécessité de soins ni d’arrêt de travail.
Attention, si par la suite le salarié estime nécessaire de consulter un médecin, de recevoir des soins ou de bénéficier d’un arrêt de travail, alors l’employeur doit faire une déclaration d’accident du travail.
Florence Bernier : Même si j’ai le droit d’avoir un registre des accidents bénins en entreprise et que j’ai décidé d’inscrire là , cet accident du travail, qui visiblement n’était pas grand-chose, dois-je faire une déclaration plus tard si le salarié me sollicite ?
Gilles Scetbon :Â Absolument.
La déclaration d’accident de travail doit suivre l’inscription au registre des accidents bénins si le salarié en fait la demande ou si des soins ou des arrêts de travail deviennent nécessaires, même de façon différée.
Florence Bernier : D’accord.
On peut se demander si dans certains cas cela ne fait pas doublon, puisqu’on l’inscrit dans le registre des accidents bénins et qu’on doit quand même faire une déclaration.
Je n’avais pas cette notion-là , de devoir finalement faire une déclaration même si initialement on avait jugé que l’accident tel qu’il nous a été déclaré ne justifiait pas d’en faire une.
Gilles Scetbon : Parfois, il y a des symptômes initiaux qui sont très frustres, parfois ce ne sont que de simples douleurs. A ce stade, tant le salarié que l’encadrement, pensent que tout cela va se résoudre très rapidement.
Cependant, les douleurs peuvent persister dans la durée et devenir plus intenses.
Évidemment, dans ces cas-là , on peut avoir besoin de consulter un médecin, de recevoir des soins voire d’être mis en arrêt de travail. Dans ce cas, il est impératif de déclarer l’accident du travail à la CPAM.
Notamment, lors de la déclaration d’accident du travail, l’employeur remettra au salarié un formulaire spécifique qui lui permettra de faire prendre en charge intégralement, dans la limite des tarifs conventionnés de la sécurité sociale, tous les soins dont il aura besoin.
Florence Bernier : Ce que tu nous disais tout à l’heure sur l’intérêt d’être reconnu en accident du travail, c’est la prise en charge des soins.
Si je ne dispose pas d’un registre des accidents bénins, est-ce que je dois faire une déclaration d’accident du travail à chaque fois qu’il y a un accident ? On est d’accord ?
Pour tous les accidents, même les plus modestes, même ceux qui semblent ne pas entraîner de conséquence immédiate.
Gilles Scetbon : Absolument, il peut être reproché à l’employeur de ne pas déclarer un accident de travail lorsque le salarié l’a informé de l’accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail.
Qu’est-ce qu’une réserve et comment l’employeur peut faire pour qu’elle soit utile ?
En revanche, l’employeur a la possibilité, s’il doute de la réalité de l’accident ou de son caractère professionnel, d’émettre des réserves.
Florence Bernier : Bien sûr, on va en parler, d’autant que ce que je vois, c’est qu’il faut que le salarié fasse sa déclaration, mais parfois, même pour des incidents extrêmement mineurs. Par exemple, le salarié se lève de son siège et ressent soudain une douleur au dos. Il sait qu’il doit déclarer l’accident, mais il peut avoir envie d’exprimer son point de vue à la Sécurité Sociale afin d’éviter que cet accident ne lui soit attribué.
Alors, on parle de réserves, un terme que je connais bien, mais je me suis rendu compte que je ne savais pas grand-chose sur leur utilisation.
Qu’est-ce qu’une réserve, à quoi ça sert et que peut faire l’employeur pour qu’elle soit utile ?
J’aurais tendance à ne pas séparer le mot « réserve » de « motivée ».
Gilles Scetbon : J’aurais tendance à ne pas séparer le mot « réserve » de « motivée ».
Les bonnes réserves sont des réserves motivées, c’est-à -dire qu’elles comportent une argumentation probante pour démontrer soit qu’il n’y a pas eu d’accident, soit que le fait générateur n’a pas pu entraîner les symptômes ou les lésions que semble déclarer le salarié.
Florence Bernier : Est-ce que tu veux dire qu’il pourrait, par exemple, être question de faits préexistants ?
Reprenons mon exemple : le salarié se lève et dit qu’il a mal au dos. Pour toi, une réserve motivée pourrait consister à indiquer que l’employeur sait que le salarié a des problèmes de dos depuis longtemps ?
Gilles Scetbon : Ça peut effectivement être le cas. Par exemple, cela pourrait concerner un salarié qui non seulement souffrait du dos avant l’accident déclaré, mais qui présente également régulièrement des problèmes et des douleurs dorsales, voire un absentéisme lié à des problèmes de dos récurrents.
Il pourrait aussi s’agir d’un salarié ayant déjà déclaré d’autres accidents du travail antérieurs, potentiellement consolidés avec des séquelles. Si les accidents antérieurs sont consolidés avec des séquelles, cela signifie que le mal de dos est un problème chronique dont le salarié souffre de manière continue.
Pas de témoin lors d’un accident du travail : puis-je émettre une réserve ?
Florence Bernier : Pour les accidents, peut-être un peu plus graves, il y a toujours une question que je me suis posée : est-ce que le fait qu’il n’y ait pas de témoin peut, selon toi, constituer une réserve motivée ?
Gilles Scetbon : Je ne crois pas. Le témoin est important pour le salarié. S’il y a un témoin, cela confirme la survenue de l’accident. Donc, il est difficile de contester la réalité d’un accident de travail s’il y a un témoin.
En revanche, l’absence de témoin ne signifie pas automatiquement que l’accident n’a pas eu lieu.
Par ailleurs, si l’accident survient pendant le temps et sur le lieu de travail, il est présumé être imputable au travail.
En revanche, si l’accident se produit en dehors des heures de travail ou en dehors du lieu de travail, alors il incombe au salarié de démontrer que l’accident est lié au travail.
Florence Bernier : Je me suis toujours dit que l’absence de témoin aidait justement à combattre la matérialité de l’accident. Je me trompais, mais je suis là pour apprendre.
Tous les accidents du travail peuvent-ils faire l’objet de réserve ?
Florence Bernier : Alors, pourquoi parle-t-on toujours de contester un accident du travail ?
Nous savons tous que, notamment en ce qui concerne la tarification des accidents du travail, attribuer un accident au travail n’est pas une bonne nouvelle pour l’employeur.
Cela peut entraîner d’importantes conséquences financières.
Est-ce que tu dirais pour autant que tous les accidents du travail doivent faire l’objet de réserves ?
Gilles Scetbon : Tout d’abord, j’aimerais revenir sur le mot « combattre » car je ne pense pas qu’il faille combattre les accidents de travail ; il faut être juste.
Cela signifie qu’un accident survenu au temps et au lieu de travail est effectivement un accident de travail.
En revanche, un accident sans origine professionnelle doit être contesté dans ce cas-là .
Les réserves sont là pour ça : les réserves motivées doivent fournir cette information à l’assurance maladie, en indiquant soit qu’il n’y a pas eu d’accident, soit qu’il ne peut y avoir de lien de cause à effet entre le fait accidentel et les lésions déclarées par le salarié.
Ces réserves sont importantes car elles déclenchent un processus. Lorsqu’elles sont motivées et reconnues comme telles par l’assurance maladie, elles déclenchent une enquête. Cette enquête consiste pour la caisse à mener des investigations, notamment en interrogeant le salarié, l’employeur, le témoin s’il y en a un, et éventuellement les premières personnes informées.
Ensuite, après avoir synthétisé toutes ces déclarations, l’assurance maladie prendra une décision. Avant de prendre cette décision, elle donne accès aux pièces et aux dossiers. Cela signifie que tant le salarié que l’employeur pourront consulter les éléments du dossier résultant de cette enquête avant que la caisse ne notifie sa décision à l’employeur et au salarié.
Cette décision consiste soit à reconnaître l’accident du travail, c’est-à -dire à attribuer les lésions à un fait accidentel générateur, soit à ne pas le reconnaître.
Florence Bernier : Si tu n’émets pas de réserve, tu reçois la déclaration de ton salarié indiquant qu’il a eu un accident dans des circonstances qui ne te semblent pas problématiques ou au contraire avec un témoin.
Quelles sont les possibilités de l’employeur qui n’a pas émis de réserve suite à une déclaration d’accident du travail ?
Florence Bernier : Je te donnais l’exemple du salarié qui se retrouve sous un chariot élévateur avec des témoins présents ; la réalité de l’accident ne semble pas poser de problème, donc tu ne formules pas de réserve.
Est-ce que cela signifie qu’un employeur qui ne formule pas de réserve après la déclaration d’accident du travail subit tout simplement ?
Gilles Scetbon : Il ne subit pas, il conserve certaines possibilités.
Je dois souligner que lorsqu’il y a un accident du travail avec des lésions évidentes, comme dans le cas d’un salarié ayant apparemment subi un accident grave, peut-être avec des fractures, il est évident que ces lésions ne seront pas contestées.
Cependant, il est important de noter qu’un accident entraîne des lésions initiales, auxquelles peuvent s’ajouter des lésions secondaires, appelées lésions nouvelles.
Lorsque la caisse d’assurance maladie reçoit une déclaration de lésion nouvelle, elle doit ouvrir une instruction. Elle informe également l’employeur de cette déclaration de nouvelle lésion.
L’employeur a alors 10 jours pour émettre des observations, semblables aux réserves initiales. Ensuite, la caisse prend une décision pour rattacher ou non ces nouvelles lésions à l’accident du travail.
Pendant la phase de soins et de convalescence qui suit, il peut y avoir besoin d’un arrêt de travail. Il est donc crucial de noter que lorsque l’on dit que l’employeur « subit », ce n’est pas tout à fait exact. Chaque maladie, chaque accident – et ici, spécifiquement, un accident – suit une courbe de récupération. Chaque personne ne récupère pas de la même manière, et toutes les lésions ne nécessitent pas les mêmes soins ni le même temps de convalescence.
Il est également important de mentionner que la durée de convalescence, c’est-à -dire le temps nécessaire pour se rétablir, peut varier considérablement d’une victime à l’autre. Certaines récupèrent plus rapidement que d’autres.
Pendant cette période d’arrêt de travail, l’employeur a la possibilité de rédiger un courrier de signalement pour encourager la caisse, en particulier le médecin conseil de la caisse, à examiner l’arrêt de travail.
Florence Bernier : Notamment lorsque c’est un peu long.
Par exemple, si un salarié doit s’arrêter pendant 4 mois en raison d’une cheville foulée, ce que tu me dis, c’est qu’il a déclaré l’accident du travail, confirmant que la foulure est survenue sur le lieu et pendant le temps de travail, donc la réalité de l’accident n’était pas en question. L’employeur n’a pas émis de réserve, car il n’y avait aucune raison de le faire. Cependant, à un moment donné, si l’arrêt devient long, il peut envoyer un courrier de signalement.
Gilles Scetbon : Exactement. Tout comme les réserves initiales formulées lors de l’apparition de nouvelles lésions, le courrier de signalement doit être motivé et argumenté.
Il y a de nombreuses raisons de rédiger un courrier de signalement, surtout s’il y a eu des lésions initiales. L’absence de nouvelles lésions signifie qu’il n’y a pas eu de complications ou de découvertes ultérieures de pathologies, car parfois, toutes les lésions ne sont pas immédiatement détectées. Il arrive que les médecins en charge des victimes prescrivent des examens complémentaires qui révèlent plus tard ces nouvelles lésions.
Ainsi, ce courrier de signalement doit être motivé pour attirer l’attention de la caisse sur le fait que la durée de l’arrêt de travail semble disproportionnée par rapport aux lésions initialement prises en charge et connues.
Florence Bernier : Exactement.
Tu as mentionné précédemment qu’il ne s’agit pas de contester les accidents du travail. Je comprends à travers tes explications que l’employeur cherche simplement à établir de manière juste et pertinente l’imputabilité de l’accident, en lien avec la durée de l’arrêt de travail et les lésions constatées.
Gilles Scetbon : Effectivement, car il y a des conséquences à tout cela.
Il y a bien sûr des répercussions économiques évidentes. Mais il y a aussi des conséquences en termes d’absence du salarié.
Lorsqu’un salarié est absent, il faut redistribuer son travail aux autres collaborateurs. Cela peut entraîner de l’insatisfaction parmi ces derniers qui se voient attribuer une charge de travail supplémentaire. Parfois, cela entraîne même des absences supplémentaires par effet domino.
Les conséquences économiques incluent la désorganisation du travail. Cependant, l’employeur a également le devoir d’analyser les accidents survenus dans son entreprise et d’agir de manière proactive pour améliorer les conditions de travail et renforcer les mesures de protection des salariés.
Florence Bernier : Je vais revenir un peu sur ce terme, car j’ai souvent entendu des employeurs se sentir dans une position de subir les arrêts de travail. Je leur disais systématiquement que dès qu’un accident leur était signalé, ils devaient le déclarer.
Après avoir examiné les conséquences, j’avais souvent l’impression qu’ils se sentaient impuissants.
C’est intéressant, car on voit qu’avec les réserves et le courrier de signalement dès le départ, on peut quand même agir, si on a de bonnes raisons, pour avoir un impact même pendant l’arrêt de travail.
Ce qui est très intéressant également, c’est que lorsqu’on décide de prendre des mesures concrètes contre l’absentéisme et les accidents du travail en entreprise, il est également essentiel de penser à la prévention et à la réaction face aux accidents du travail.
Ainsi, un accident du travail ne doit pas nécessairement être vécu comme une simple subordination ; c’est aussi une occasion de réfléchir pour l’avenir et d’améliorer la prévention.
Quel conseil pourrais-tu donner à ces employeurs qui souhaitent entreprendre cette démarche sans pour autant tomber dans la contestation systématique des accidents du travail ?
Comment entreprendre des réserves sans tomber systématiquement dans la contestation des accidents du travail ?
Gilles Scetbon : Les employeurs disposent de moyens pour exprimer des réserves concernant le caractère potentiellement disproportionné des arrêts de travail pendant leur déroulement.
Un accident du travail suit un parcours défini : il commence par une période de soins et de convalescence qui peut se conclure de deux manières. Idéalement, il se termine par une guérison complète, c’est-à -dire le retour à l’état antérieur sans aucun symptôme ou signe persistant découlant de l’accident du travail.
Cependant, il est également possible qu’il aboutisse à une consolidation avec des séquelles. Ces séquelles peuvent normalement être attribuées à l’accident du travail. Elles ont des implications économiques significatives pour l’employeur, notamment une augmentation des cotisations si les séquelles sont importantes, avec différentes échelles d’imputation.
Pour protéger ses employés et réduire sa sinistralité future, l’employeur doit analyser sa fréquence d’accidents. Cela est crucial non seulement pour la protection des salariés, mais aussi pour prévenir des conséquences économiques potentiellement préjudiciables.
L’employeur a également le droit de contester certains aspects. Par exemple, il peut contester l’imputabilité des soins et des arrêts de travail s’il estime que la durée de l’arrêt de travail nécessaire pour se rétablir des conséquences de l’accident était disproportionnée.
De même, il peut contester les séquelles qui entraîneront le versement d’indemnités ou de rentes, et qui auront des implications financières pour lui. Pour cela, il peut faire appel à un avocat ou à un médecin-conseil pour représenter ses intérêts devant les instances amiables et, en cas de résultat défavorable, devant les juridictions des pôles sociaux.
Le médecin complaisant : mythe ou réalité ?
Florence Bernier : Dernière question avant de conclure : que dirais-tu aux employeurs qui répètent qu’il y a beaucoup de médecins complaisants ? Que les arrêts sont de trop longue durée ? Qu’est-ce que tu en penses ?
Gilles Scetbon : Alors, bien sûr, il est tentant de chercher des responsables. J’observe souvent que certains employeurs réagissent de manière épidermique face à l’absentéisme et à la prescription d’arrêts de travail.
J’entends des employeurs dire : « Mon salarié s’est mis en arrêt de travail« , comme si le salarié se prescrivait lui-même son arrêt de travail. Des études sérieuses montrent pourtant que plus de trois quarts des arrêts de travail prescrits sont médicalement justifiés.
Cependant, il reste environ un quart d’arrêts de travail qui ne sont soit pas médicalement justifiés, soit qui ne le sont plus au fil du temps, car la récupération du salarié évolue. Cela soulève la question des arrêts de travail mal qualifiés.
Dans le contexte des accidents du travail, « mal qualifiés » signifie que ces arrêts sont prescrits sous le registre de l’accident du travail, alors qu’ils devraient être requalifiés en arrêts maladie par l’assurance maladie.
Souvent, un arrêt de travail est justifié par une combinaison de symptômes et de lésions. Lorsque l’arrêt de travail n’est plus justifié par les conséquences directes de l’accident du travail, il devrait logiquement être requalifié en arrêt maladie par le médecin conseil de l’assurance maladie.
À quel type d’accident tu penses ?
Gilles Scetbon : Il y a des accidents qui sont très spécifiques et qui entraînent des conséquences ponctuelles. C’est un exemple un peu extrême, mais cela arrive plus souvent qu’on ne le pense.
Prenons l’exemple d’un passage à l’acte suicidaire survenu sur le lieu de travail. Dans ce cas, l’accident de travail correspond au passage à l’acte lui-même. Souvent, dans ces dossiers, le salarié ayant commis cet acte était déjà suivi et traité depuis longtemps pour une pathologie psychiatrique, comme une dépression chronique.
L’accident de travail inclut le passage à l’acte initial et éventuellement une hospitalisation pour récupérer physiquement et surmonter la fatigue qui peut en résulter. Il est possible qu’un arrêt de travail soit nécessaire pour permettre cette récupération.
Cependant, une fois les effets directs de l’accident de travail dissipés, les arrêts de travail ultérieurs ne peuvent plus être imputés au passage à l’acte, mais plutôt à l’état préexistant de pathologie psychiatrique chronique.
Florence Bernier : Oui, je comprends.
Les 4-5 mois qui suivent, si c’est pour une thérapie afin qu’il n’essaye plus de se suicider, ce n’est plus évidemment un arrêt qui est rattaché aux lésions qui ont été provoquées par le passage à l’acte le jour du travail, sur le lieu de travail.
Gilles, je vais faire une petite conclusion de tout ce qui me vient à l’idée maintenant et surtout ce que je ne savais pas avant.
Ce que j’ai retenu finalement, c’est que face à un accident du travail, il faut que l’employeur réfléchisse. Qu’il n’élabore pas sa déclaration accident du travail de manière trop rapide.
Justement, dans cette phase déclarative, il faut la remplir minutieusement, il faut réfléchir aux réserves que l’on peut mettre, est-ce qu’on doit en mettre, est-ce qu’elles sont suffisamment motivées pour servir à quoi que ce soit.
Et cette réflexion, elle va devoir finalement tenir jusqu’à la reprise. Avant l’AT, il y a aussi toute la phase préventive qui doit être mise en œuvre, et une fois qu’on est confronté à un accident. On doit prendre en compte de multiples intérêts, évidemment ceux des salariés et ceux de l’entreprise.
L’employeur n’a pas à subir, il ne doit pas rester passif. Au contraire, il doit réfléchir à des solutions en amont, pendant l’arrêt et après, évidemment, en matière notamment d’aménagement de poste.
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