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La Voix des RH : Gestion des accidents du travail

Obligations et bonnes pratiques pour les employeurs

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Des échanges concrets et dynamiques sur les enjeux RH, des réponses pragmatiques et novatrices apportées par des experts… Découvrez « La Voix des RH » notre chaîne de podcasts Ayming !

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Dans ce nouvel épisode Gestion des accidents du travail : obligations et explorez les bonnes pratiques pour les employeurs avec nos experts du jour ! Florence Bernier, juriste et experte en droit social et Gilles Scetbon, médecin coordinateur chez Ayming partagent avec vous leurs conseils éclairés et pratiques !

Dans cette épisode, vous découvrirez :

  • Obligation de l’employeur en cas d’accident du travail
  • Comment faire des rĂ©serves, quand faut-il en faire et surtout quand il ne faut pas en faire
  • Les impacts de la reconnaissance d’un accident du travail
  • La perception des actions de l’employeur

Bonne écoute ! 🎧

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Ecouter l’Ă©pisode de « La voix des RH » : gestion des accidents du travail

Florence Bernier : Bonjour Ă  tous, me voilĂ  de retour sur La Voix des RH, que j’ai contribuĂ© Ă  lancer l’annĂ©e dernière. Depuis, les Ă©pisodes m’ont Ă©normĂ©ment plu parce que ce podcast est pointu et propose des leviers pratiques et actionnables.

Aujourd’hui, on va faire la mĂŞme chose. On va aborder un sujet très complexe de droit social, mais on va essayer de le rendre un peu plus simple et surtout pratique pour les entreprises, les RH et les employeurs qui nous Ă©coutent.

Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Florence Bernier, juriste en droit social depuis une vingtaine d’annĂ©es et crĂ©atrice de contenu sur LinkedIn, oĂą j’essaie d’apporter un petit peu d’Ă©clairage sur ce droit passionnant mais bien complexe. Aujourd’hui, pour aborder le sujet des accidents du travail, je suis avec Gilles, que je vais laisser se prĂ©senter.

Gilles Scetbon : Bonjour, je m’appelle Gilles Scetbon et je suis mĂ©decin. J’ai commencĂ© une carrière de mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste avec un parcours un peu atypique, centrĂ© sur les pratiques de la mĂ©decine d’urgence, de la mĂ©decine du sport et de la nutrition. J’ai dĂ©couvert un peu par hasard les intersections entre la mĂ©decine et le droit, ce qui m’a amenĂ© Ă  connaĂ®tre le droit pĂ©nal, la responsabilitĂ© mĂ©dicale, l’assurance et les risques professionnels.

C’est comme ça que j’ai Ă©voluĂ© vers la mĂ©decine d’expertise et la mĂ©decine de conseil. Je suis d’ailleurs mĂ©decin, notamment chez Ayming, depuis pratiquement dix ans.

Florence Bernier : Aujourd’hui, on va parler de l’accident du travail uniquement sous l’angle de l’employeur, c’est-Ă -dire quand il faut le dĂ©clarer, comment le dĂ©clarer, ce qu’il faut absolument faire ou ne pas faire pour protĂ©ger les intĂ©rĂŞts de l’entreprise. Faut-il aussi forcĂ©ment et toujours contester la reconnaissance d’un accident du travail ?

Je sais que tu vas nous apporter beaucoup sur ce sujet. Et on va commencer par une définition.

Alors rapidement, dis-moi Gilles, c’est quoi un accident du travail ?

Qu’est-ce qu’un accident du travail ?

Gilles Scetbon : Un accident du travail commence par un fait accidentel, qu’on appelle un fait gĂ©nĂ©rateur. Il doit ĂŞtre ponctuel et datable. Il entraĂ®ne des dommages et des lĂ©sions avec des consĂ©quences physiques, psychologiques, ou les deux.

Florence Bernier : D’accord. Et Ă  quoi peut servir de reconnaĂ®tre un accident du travail ?

Tu me dis qu’un accident du travail est un fait accidentel qui gĂ©nère des lĂ©sions. Finalement, est-ce que ça a un intĂ©rĂŞt pour le salariĂ© d’obtenir une dĂ©claration d’accident du travail ?

Pourquoi et comment faire une déclaration d’accident du travail ?

Gilles Scetbon : En effet, le statut de reconnaissance de l’accident du travail permet de couvrir intĂ©gralement, dans la limite des tarifs conventionnĂ©s opposables, l’ensemble des soins et des consultations. Il permet Ă©galement de maintenir le salaire et de verser une indemnitĂ© aux salariĂ©s qui conserveraient des sĂ©quelles Ă  la consolidation, voire une rente. Enfin, il permet de percevoir une indemnitĂ© complĂ©mentaire s’il est Ă©tabli que l’employeur a Ă©tĂ© dĂ©faillant dans les mesures de protection du salariĂ©.

Florence Bernier : Dans ce cas précis, on va parler de faute inexcusable.

On n’en a pas parlĂ© juste avant, mais sauf erreur de ma part, l’accident du travail survient dans des circonstances bien particulières, c’est-Ă -dire Ă  un moment et dans un lieu oĂą le salariĂ© travaille.

Le cas particulier des accidents survenant pendant les heures de télétravail

Gilles Scetbon : Alors oui, les accidents qui surviennent en mission, par exemple chez des clients, sont aussi considĂ©rĂ©s comme des accidents du travail, dans la mesure oĂą ils se produisent lors d’une mission effectuĂ©e par des travailleurs nomades.

Le tĂ©lĂ©travail est Ă©galement une situation qui permet la reconnaissance d’un accident du travail, Ă  condition que l’accident survienne pendant les heures de tĂ©lĂ©travail.

Une condition importante demeure : le salariĂ© doit ĂŞtre bien subordonnĂ© Ă  l’employeur.

Florence Bernier : Oui, c’est très intĂ©ressant.

Je pense que cela va gĂ©nĂ©rer une jurisprudence peut-ĂŞtre encore plus importante dans les prochaines annĂ©es, car comme tu l’as très justement dit, Ă  l’origine la dĂ©finition nous parle du temps et du lieu de travail, mais aujourd’hui, qu’est-ce que reprĂ©sente exactement le temps de travail ?

Je pense notamment aux salariés en forfait jours.

Qu’en est-il du lieu de travail lorsque le salariĂ© est en mission ou en tĂ©lĂ©travail chez lui ?

Tout cela va certainement engendrer pas mal de litiges. Aujourd’hui, il est clair que nous n’avons pas encore toutes les rĂ©ponses.

Supposons qu’un salariĂ©, dans une situation relativement simple quant au temps et au lieu de travail, ait un accident. Lorsque l’accident se produit, il le signale Ă  son employeur.

Quel procédé suivre après le signalement d’un accident de travail ?

Florence Bernier : Quelles sont les premières actions que l’employeur doit entreprendre ? Quelle est la première Ă©tape ?

Gilles Scetbon : Tu as raison de commencer par la première étape.

La première Ă©tape consiste Ă  informer l’employeur de la survenue de l’accident du salariĂ©. En principe, le salariĂ© doit informer l’employeur dans les 24 heures qui suivent l’accident.

Si cette information est transmise avec du retard, l’employeur pourrait lĂ©gitimement remettre en question le caractère professionnel de l’accident.

Registre des accidents bénins : comment ça marche ?

L’employeur doit ensuite dĂ©clarer cet accident du travail. Il peut l’inscrire dans le registre des accidents bĂ©nins, si l’entreprise en dispose. Toutes les entreprises ne possèdent pas un tel registre, mais s’il existe, il peut ĂŞtre utilisĂ©.

Il y a une condition essentielle : l’accident et ses consĂ©quences doivent ĂŞtre mineurs, sans nĂ©cessitĂ© de soins ni d’arrĂŞt de travail.

Attention, si par la suite le salariĂ© estime nĂ©cessaire de consulter un mĂ©decin, de recevoir des soins ou de bĂ©nĂ©ficier d’un arrĂŞt de travail, alors l’employeur doit faire une dĂ©claration d’accident du travail.

Florence Bernier : MĂŞme si j’ai le droit d’avoir un registre des accidents bĂ©nins en entreprise et que j’ai dĂ©cidĂ© d’inscrire lĂ , cet accident du travail, qui visiblement n’Ă©tait pas grand-chose, dois-je faire une dĂ©claration plus tard si le salariĂ© me sollicite ?

Gilles Scetbon : Absolument.

La dĂ©claration d’accident de travail doit suivre l’inscription au registre des accidents bĂ©nins si le salariĂ© en fait la demande ou si des soins ou des arrĂŞts de travail deviennent nĂ©cessaires, mĂŞme de façon diffĂ©rĂ©e.

Florence Bernier : D’accord.

On peut se demander si dans certains cas cela ne fait pas doublon, puisqu’on l’inscrit dans le registre des accidents bĂ©nins et qu’on doit quand mĂŞme faire une dĂ©claration.

Je n’avais pas cette notion-lĂ , de devoir finalement faire une dĂ©claration mĂŞme si initialement on avait jugĂ© que l’accident tel qu’il nous a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© ne justifiait pas d’en faire une.

Gilles Scetbon : Parfois, il y a des symptĂ´mes initiaux qui sont très frustres, parfois ce ne sont que de simples douleurs. A ce stade, tant le salariĂ© que l’encadrement, pensent que tout cela va se rĂ©soudre très rapidement.

Cependant, les douleurs peuvent persister dans la durée et devenir plus intenses.

Évidemment, dans ces cas-lĂ , on peut avoir besoin de consulter un mĂ©decin, de recevoir des soins voire d’ĂŞtre mis en arrĂŞt de travail. Dans ce cas, il est impĂ©ratif de dĂ©clarer l’accident du travail Ă  la CPAM.

Notamment, lors de la dĂ©claration d’accident du travail, l’employeur remettra au salariĂ© un formulaire spĂ©cifique qui lui permettra de faire prendre en charge intĂ©gralement, dans la limite des tarifs conventionnĂ©s de la sĂ©curitĂ© sociale, tous les soins dont il aura besoin.

Florence Bernier : Ce que tu nous disais tout Ă  l’heure sur l’intĂ©rĂŞt d’ĂŞtre reconnu en accident du travail, c’est la prise en charge des soins.

Si je ne dispose pas d’un registre des accidents bĂ©nins, est-ce que je dois faire une dĂ©claration d’accident du travail Ă  chaque fois qu’il y a un accident ? On est d’accord ?

Pour tous les accidents, même les plus modestes, même ceux qui semblent ne pas entraîner de conséquence immédiate.

Gilles Scetbon : Absolument, il peut ĂŞtre reprochĂ© Ă  l’employeur de ne pas dĂ©clarer un accident de travail lorsque le salariĂ© l’a informĂ© de l’accident survenu pendant le temps et sur le lieu de travail.

Qu’est-ce qu’une réserve et comment l’employeur peut faire pour qu’elle soit utile ?

En revanche, l’employeur a la possibilitĂ©, s’il doute de la rĂ©alitĂ© de l’accident ou de son caractère professionnel, d’Ă©mettre des rĂ©serves.

Florence Bernier : Bien sĂ»r, on va en parler, d’autant que ce que je vois, c’est qu’il faut que le salariĂ© fasse sa dĂ©claration, mais parfois, mĂŞme pour des incidents extrĂŞmement mineurs. Par exemple, le salariĂ© se lève de son siège et ressent soudain une douleur au dos. Il sait qu’il doit dĂ©clarer l’accident, mais il peut avoir envie d’exprimer son point de vue Ă  la SĂ©curitĂ© Sociale afin d’Ă©viter que cet accident ne lui soit attribuĂ©.

Alors, on parle de réserves, un terme que je connais bien, mais je me suis rendu compte que je ne savais pas grand-chose sur leur utilisation.

Qu’est-ce qu’une rĂ©serve, Ă  quoi ça sert et que peut faire l’employeur pour qu’elle soit utile ?

J’aurais tendance à ne pas séparer le mot « réserve » de « motivée ».

Gilles Scetbon : J’aurais tendance à ne pas séparer le mot « réserve » de « motivée ».

Les bonnes rĂ©serves sont des rĂ©serves motivĂ©es, c’est-Ă -dire qu’elles comportent une argumentation probante pour dĂ©montrer soit qu’il n’y a pas eu d’accident, soit que le fait gĂ©nĂ©rateur n’a pas pu entraĂ®ner les symptĂ´mes ou les lĂ©sions que semble dĂ©clarer le salariĂ©.

Florence Bernier : Est-ce que tu veux dire qu’il pourrait, par exemple, ĂŞtre question de faits prĂ©existants ?

Reprenons mon exemple : le salariĂ© se lève et dit qu’il a mal au dos. Pour toi, une rĂ©serve motivĂ©e pourrait consister Ă  indiquer que l’employeur sait que le salariĂ© a des problèmes de dos depuis longtemps ?

Gilles Scetbon : Ça peut effectivement ĂŞtre le cas. Par exemple, cela pourrait concerner un salariĂ© qui non seulement souffrait du dos avant l’accident dĂ©clarĂ©, mais qui prĂ©sente Ă©galement rĂ©gulièrement des problèmes et des douleurs dorsales, voire un absentĂ©isme liĂ© Ă  des problèmes de dos rĂ©currents.

Il pourrait aussi s’agir d’un salariĂ© ayant dĂ©jĂ  dĂ©clarĂ© d’autres accidents du travail antĂ©rieurs, potentiellement consolidĂ©s avec des sĂ©quelles. Si les accidents antĂ©rieurs sont consolidĂ©s avec des sĂ©quelles, cela signifie que le mal de dos est un problème chronique dont le salariĂ© souffre de manière continue.

Pas de tĂ©moin lors d’un accident du travail : puis-je Ă©mettre une rĂ©serve ?

Florence Bernier : Pour les accidents, peut-ĂŞtre un peu plus graves, il y a toujours une question que je me suis posĂ©e : est-ce que le fait qu’il n’y ait pas de tĂ©moin peut, selon toi, constituer une rĂ©serve motivĂ©e ?

Gilles Scetbon : Je ne crois pas. Le tĂ©moin est important pour le salariĂ©. S’il y a un tĂ©moin, cela confirme la survenue de l’accident. Donc, il est difficile de contester la rĂ©alitĂ© d’un accident de travail s’il y a un tĂ©moin.

En revanche, l’absence de tĂ©moin ne signifie pas automatiquement que l’accident n’a pas eu lieu.

Par ailleurs, si l’accident survient pendant le temps et sur le lieu de travail, il est prĂ©sumĂ© ĂŞtre imputable au travail.

En revanche, si l’accident se produit en dehors des heures de travail ou en dehors du lieu de travail, alors il incombe au salariĂ© de dĂ©montrer que l’accident est liĂ© au travail.

Florence Bernier : Je me suis toujours dit que l’absence de tĂ©moin aidait justement Ă  combattre la matĂ©rialitĂ© de l’accident. Je me trompais, mais je suis lĂ  pour apprendre.

Tous les accidents du travail peuvent-ils faire l’objet de réserve ?

Florence Bernier : Alors, pourquoi parle-t-on toujours de contester un accident du travail ?

Nous savons tous que, notamment en ce qui concerne la tarification des accidents du travail, attribuer un accident au travail n’est pas une bonne nouvelle pour l’employeur.

Cela peut entraĂ®ner d’importantes consĂ©quences financières.

Est-ce que tu dirais pour autant que tous les accidents du travail doivent faire l’objet de rĂ©serves ?

Gilles Scetbon : Tout d’abord, j’aimerais revenir sur le mot « combattre » car je ne pense pas qu’il faille combattre les accidents de travail ; il faut ĂŞtre juste.

Cela signifie qu’un accident survenu au temps et au lieu de travail est effectivement un accident de travail.

En revanche, un accident sans origine professionnelle doit être contesté dans ce cas-là.

Les rĂ©serves sont lĂ  pour ça : les rĂ©serves motivĂ©es doivent fournir cette information Ă  l’assurance maladie, en indiquant soit qu’il n’y a pas eu d’accident, soit qu’il ne peut y avoir de lien de cause Ă  effet entre le fait accidentel et les lĂ©sions dĂ©clarĂ©es par le salariĂ©.

Ces rĂ©serves sont importantes car elles dĂ©clenchent un processus. Lorsqu’elles sont motivĂ©es et reconnues comme telles par l’assurance maladie, elles dĂ©clenchent une enquĂŞte. Cette enquĂŞte consiste pour la caisse Ă  mener des investigations, notamment en interrogeant le salariĂ©, l’employeur, le tĂ©moin s’il y en a un, et Ă©ventuellement les premières personnes informĂ©es.

Ensuite, après avoir synthĂ©tisĂ© toutes ces dĂ©clarations, l’assurance maladie prendra une dĂ©cision. Avant de prendre cette dĂ©cision, elle donne accès aux pièces et aux dossiers. Cela signifie que tant le salariĂ© que l’employeur pourront consulter les Ă©lĂ©ments du dossier rĂ©sultant de cette enquĂŞte avant que la caisse ne notifie sa dĂ©cision Ă  l’employeur et au salariĂ©.

Cette dĂ©cision consiste soit Ă  reconnaĂ®tre l’accident du travail, c’est-Ă -dire Ă  attribuer les lĂ©sions Ă  un fait accidentel gĂ©nĂ©rateur, soit Ă  ne pas le reconnaĂ®tre.

Florence Bernier : Si tu n’Ă©mets pas de rĂ©serve, tu reçois la dĂ©claration de ton salariĂ© indiquant qu’il a eu un accident dans des circonstances qui ne te semblent pas problĂ©matiques ou au contraire avec un tĂ©moin.

Quelles sont les possibilitĂ©s de l’employeur qui n’a pas Ă©mis de rĂ©serve suite Ă  une dĂ©claration d’accident du travail ?

Florence Bernier : Je te donnais l’exemple du salariĂ© qui se retrouve sous un chariot Ă©lĂ©vateur avec des tĂ©moins prĂ©sents ; la rĂ©alitĂ© de l’accident ne semble pas poser de problème, donc tu ne formules pas de rĂ©serve.

Est-ce que cela signifie qu’un employeur qui ne formule pas de rĂ©serve après la dĂ©claration d’accident du travail subit tout simplement ?

Gilles Scetbon : Il ne subit pas, il conserve certaines possibilités.

Je dois souligner que lorsqu’il y a un accident du travail avec des lĂ©sions Ă©videntes, comme dans le cas d’un salariĂ© ayant apparemment subi un accident grave, peut-ĂŞtre avec des fractures, il est Ă©vident que ces lĂ©sions ne seront pas contestĂ©es.

Cependant, il est important de noter qu’un accident entraĂ®ne des lĂ©sions initiales, auxquelles peuvent s’ajouter des lĂ©sions secondaires, appelĂ©es lĂ©sions nouvelles.

Lorsque la caisse d’assurance maladie reçoit une dĂ©claration de lĂ©sion nouvelle, elle doit ouvrir une instruction. Elle informe Ă©galement l’employeur de cette dĂ©claration de nouvelle lĂ©sion.

L’employeur a alors 10 jours pour Ă©mettre des observations, semblables aux rĂ©serves initiales. Ensuite, la caisse prend une dĂ©cision pour rattacher ou non ces nouvelles lĂ©sions Ă  l’accident du travail.

Pendant la phase de soins et de convalescence qui suit, il peut y avoir besoin d’un arrĂŞt de travail. Il est donc crucial de noter que lorsque l’on dit que l’employeur « subit », ce n’est pas tout Ă  fait exact. Chaque maladie, chaque accident – et ici, spĂ©cifiquement, un accident – suit une courbe de rĂ©cupĂ©ration. Chaque personne ne rĂ©cupère pas de la mĂŞme manière, et toutes les lĂ©sions ne nĂ©cessitent pas les mĂŞmes soins ni le mĂŞme temps de convalescence.

Il est Ă©galement important de mentionner que la durĂ©e de convalescence, c’est-Ă -dire le temps nĂ©cessaire pour se rĂ©tablir, peut varier considĂ©rablement d’une victime Ă  l’autre. Certaines rĂ©cupèrent plus rapidement que d’autres.

Pendant cette pĂ©riode d’arrĂŞt de travail, l’employeur a la possibilitĂ© de rĂ©diger un courrier de signalement pour encourager la caisse, en particulier le mĂ©decin conseil de la caisse, Ă  examiner l’arrĂŞt de travail.

Florence Bernier : Notamment lorsque c’est un peu long.

Par exemple, si un salariĂ© doit s’arrĂŞter pendant 4 mois en raison d’une cheville foulĂ©e, ce que tu me dis, c’est qu’il a dĂ©clarĂ© l’accident du travail, confirmant que la foulure est survenue sur le lieu et pendant le temps de travail, donc la rĂ©alitĂ© de l’accident n’Ă©tait pas en question. L’employeur n’a pas Ă©mis de rĂ©serve, car il n’y avait aucune raison de le faire. Cependant, Ă  un moment donnĂ©, si l’arrĂŞt devient long, il peut envoyer un courrier de signalement.

Gilles Scetbon : Exactement. Tout comme les rĂ©serves initiales formulĂ©es lors de l’apparition de nouvelles lĂ©sions, le courrier de signalement doit ĂŞtre motivĂ© et argumentĂ©.

Il y a de nombreuses raisons de rĂ©diger un courrier de signalement, surtout s’il y a eu des lĂ©sions initiales. L’absence de nouvelles lĂ©sions signifie qu’il n’y a pas eu de complications ou de dĂ©couvertes ultĂ©rieures de pathologies, car parfois, toutes les lĂ©sions ne sont pas immĂ©diatement dĂ©tectĂ©es. Il arrive que les mĂ©decins en charge des victimes prescrivent des examens complĂ©mentaires qui rĂ©vèlent plus tard ces nouvelles lĂ©sions.

Ainsi, ce courrier de signalement doit ĂŞtre motivĂ© pour attirer l’attention de la caisse sur le fait que la durĂ©e de l’arrĂŞt de travail semble disproportionnĂ©e par rapport aux lĂ©sions initialement prises en charge et connues.

Florence Bernier : Exactement.

Tu as mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment qu’il ne s’agit pas de contester les accidents du travail. Je comprends Ă  travers tes explications que l’employeur cherche simplement Ă  Ă©tablir de manière juste et pertinente l’imputabilitĂ© de l’accident, en lien avec la durĂ©e de l’arrĂŞt de travail et les lĂ©sions constatĂ©es.

Gilles Scetbon : Effectivement, car il y a des conséquences à tout cela.

Il y a bien sĂ»r des rĂ©percussions Ă©conomiques Ă©videntes. Mais il y a aussi des consĂ©quences en termes d’absence du salariĂ©.

Lorsqu’un salariĂ© est absent, il faut redistribuer son travail aux autres collaborateurs. Cela peut entraĂ®ner de l’insatisfaction parmi ces derniers qui se voient attribuer une charge de travail supplĂ©mentaire. Parfois, cela entraĂ®ne mĂŞme des absences supplĂ©mentaires par effet domino.

Les consĂ©quences Ă©conomiques incluent la dĂ©sorganisation du travail. Cependant, l’employeur a Ă©galement le devoir d’analyser les accidents survenus dans son entreprise et d’agir de manière proactive pour amĂ©liorer les conditions de travail et renforcer les mesures de protection des salariĂ©s.

Florence Bernier : Je vais revenir un peu sur ce terme, car j’ai souvent entendu des employeurs se sentir dans une position de subir les arrĂŞts de travail. Je leur disais systĂ©matiquement que dès qu’un accident leur Ă©tait signalĂ©, ils devaient le dĂ©clarer.

Après avoir examinĂ© les consĂ©quences, j’avais souvent l’impression qu’ils se sentaient impuissants.

C’est intĂ©ressant, car on voit qu’avec les rĂ©serves et le courrier de signalement dès le dĂ©part, on peut quand mĂŞme agir, si on a de bonnes raisons, pour avoir un impact mĂŞme pendant l’arrĂŞt de travail.

Ce qui est très intĂ©ressant Ă©galement, c’est que lorsqu’on dĂ©cide de prendre des mesures concrètes contre l’absentĂ©isme et les accidents du travail en entreprise, il est Ă©galement essentiel de penser Ă  la prĂ©vention et Ă  la rĂ©action face aux accidents du travail.

Ainsi, un accident du travail ne doit pas nĂ©cessairement ĂŞtre vĂ©cu comme une simple subordination ; c’est aussi une occasion de rĂ©flĂ©chir pour l’avenir et d’amĂ©liorer la prĂ©vention.

Quel conseil pourrais-tu donner à ces employeurs qui souhaitent entreprendre cette démarche sans pour autant tomber dans la contestation systématique des accidents du travail ?

Comment entreprendre des réserves sans tomber systématiquement dans la contestation des accidents du travail ?

Gilles Scetbon : Les employeurs disposent de moyens pour exprimer des réserves concernant le caractère potentiellement disproportionné des arrêts de travail pendant leur déroulement.

Un accident du travail suit un parcours dĂ©fini : il commence par une pĂ©riode de soins et de convalescence qui peut se conclure de deux manières. IdĂ©alement, il se termine par une guĂ©rison complète, c’est-Ă -dire le retour Ă  l’Ă©tat antĂ©rieur sans aucun symptĂ´me ou signe persistant dĂ©coulant de l’accident du travail.

Cependant, il est Ă©galement possible qu’il aboutisse Ă  une consolidation avec des sĂ©quelles. Ces sĂ©quelles peuvent normalement ĂŞtre attribuĂ©es Ă  l’accident du travail. Elles ont des implications Ă©conomiques significatives pour l’employeur, notamment une augmentation des cotisations si les sĂ©quelles sont importantes, avec diffĂ©rentes Ă©chelles d’imputation.

Pour protĂ©ger ses employĂ©s et rĂ©duire sa sinistralitĂ© future, l’employeur doit analyser sa frĂ©quence d’accidents. Cela est crucial non seulement pour la protection des salariĂ©s, mais aussi pour prĂ©venir des consĂ©quences Ă©conomiques potentiellement prĂ©judiciables.

L’employeur a Ă©galement le droit de contester certains aspects. Par exemple, il peut contester l’imputabilitĂ© des soins et des arrĂŞts de travail s’il estime que la durĂ©e de l’arrĂŞt de travail nĂ©cessaire pour se rĂ©tablir des consĂ©quences de l’accident Ă©tait disproportionnĂ©e.

De mĂŞme, il peut contester les sĂ©quelles qui entraĂ®neront le versement d’indemnitĂ©s ou de rentes, et qui auront des implications financières pour lui. Pour cela, il peut faire appel Ă  un avocat ou Ă  un mĂ©decin-conseil pour reprĂ©senter ses intĂ©rĂŞts devant les instances amiables et, en cas de rĂ©sultat dĂ©favorable, devant les juridictions des pĂ´les sociaux.

Le médecin complaisant : mythe ou réalité ?

Florence Bernier : Dernière question avant de conclure : que dirais-tu aux employeurs qui répètent qu’il y a beaucoup de médecins complaisants ? Que les arrêts sont de trop longue durée ? Qu’est-ce que tu en penses ?

Gilles Scetbon : Alors, bien sĂ»r, il est tentant de chercher des responsables. J’observe souvent que certains employeurs rĂ©agissent de manière Ă©pidermique face Ă  l’absentĂ©isme et Ă  la prescription d’arrĂŞts de travail.

J’entends des employeurs dire : « Mon salariĂ© s’est mis en arrĂŞt de travail« , comme si le salariĂ© se prescrivait lui-mĂŞme son arrĂŞt de travail. Des Ă©tudes sĂ©rieuses montrent pourtant que plus de trois quarts des arrĂŞts de travail prescrits sont mĂ©dicalement justifiĂ©s.

Cependant, il reste environ un quart d’arrĂŞts de travail qui ne sont soit pas mĂ©dicalement justifiĂ©s, soit qui ne le sont plus au fil du temps, car la rĂ©cupĂ©ration du salariĂ© Ă©volue. Cela soulève la question des arrĂŞts de travail mal qualifiĂ©s.

Dans le contexte des accidents du travail, « mal qualifiĂ©s » signifie que ces arrĂŞts sont prescrits sous le registre de l’accident du travail, alors qu’ils devraient ĂŞtre requalifiĂ©s en arrĂŞts maladie par l’assurance maladie.

Souvent, un arrĂŞt de travail est justifiĂ© par une combinaison de symptĂ´mes et de lĂ©sions. Lorsque l’arrĂŞt de travail n’est plus justifiĂ© par les consĂ©quences directes de l’accident du travail, il devrait logiquement ĂŞtre requalifiĂ© en arrĂŞt maladie par le mĂ©decin conseil de l’assurance maladie.

Florence Bernier : Ça ne me parle pas forcĂ©ment un accident du travail qui est qualifiĂ© comme tel, mais qui dans le temps n’en est plus un et que l’employeur pourrait contester.

Ă€ quel type d’accident tu penses ?

Gilles Scetbon : Il y a des accidents qui sont très spĂ©cifiques et qui entraĂ®nent des consĂ©quences ponctuelles. C’est un exemple un peu extrĂŞme, mais cela arrive plus souvent qu’on ne le pense.

Prenons l’exemple d’un passage Ă  l’acte suicidaire survenu sur le lieu de travail. Dans ce cas, l’accident de travail correspond au passage Ă  l’acte lui-mĂŞme. Souvent, dans ces dossiers, le salariĂ© ayant commis cet acte Ă©tait dĂ©jĂ  suivi et traitĂ© depuis longtemps pour une pathologie psychiatrique, comme une dĂ©pression chronique.

L’accident de travail inclut le passage Ă  l’acte initial et Ă©ventuellement une hospitalisation pour rĂ©cupĂ©rer physiquement et surmonter la fatigue qui peut en rĂ©sulter. Il est possible qu’un arrĂŞt de travail soit nĂ©cessaire pour permettre cette rĂ©cupĂ©ration.

Cependant, une fois les effets directs de l’accident de travail dissipĂ©s, les arrĂŞts de travail ultĂ©rieurs ne peuvent plus ĂŞtre imputĂ©s au passage Ă  l’acte, mais plutĂ´t Ă  l’Ă©tat prĂ©existant de pathologie psychiatrique chronique.

Florence Bernier : Oui, je comprends.

Les 4-5 mois qui suivent, si c’est pour une thĂ©rapie afin qu’il n’essaye plus de se suicider, ce n’est plus Ă©videmment un arrĂŞt qui est rattachĂ© aux lĂ©sions qui ont Ă©tĂ© provoquĂ©es par le passage Ă  l’acte le jour du travail, sur le lieu de travail.

Gilles, je vais faire une petite conclusion de tout ce qui me vient Ă  l’idĂ©e maintenant et surtout ce que je ne savais pas avant.

Ce que j’ai retenu finalement, c’est que face Ă  un accident du travail, il faut que l’employeur rĂ©flĂ©chisse. Qu’il n’Ă©labore pas sa dĂ©claration accident du travail de manière trop rapide.

Justement, dans cette phase dĂ©clarative, il faut la remplir minutieusement, il faut rĂ©flĂ©chir aux rĂ©serves que l’on peut mettre, est-ce qu’on doit en mettre, est-ce qu’elles sont suffisamment motivĂ©es pour servir Ă  quoi que ce soit.

Et cette rĂ©flexion, elle va devoir finalement tenir jusqu’Ă  la reprise. Avant l’AT, il y a aussi toute la phase prĂ©ventive qui doit ĂŞtre mise en Ĺ“uvre, et une fois qu’on est confrontĂ© Ă  un accident. On doit prendre en compte de multiples intĂ©rĂŞts, Ă©videmment ceux des salariĂ©s et ceux de l’entreprise.

L’employeur n’a pas Ă  subir, il ne doit pas rester passif. Au contraire, il doit rĂ©flĂ©chir Ă  des solutions en amont, pendant l’arrĂŞt et après, Ă©videmment, en matière notamment d’amĂ©nagement de poste.

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