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La Voix des RH : Optimiser la performance financière des RH avec Vincent Hagenbourger

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Avis d'expert
mai 23, 2024

Des échanges concrets et dynamiques sur les enjeux RH, des réponses pragmatiques et novatrices apportées par des experts… Découvrez « La Voix des RH » notre chaîne de podcasts Ayming !

Ecouter le podcast  » la voix des RH « 

Dans ce nouvel épisode de la voix des RH consacré au à l’optimisation des performances financières RH, vous serez accompagné par deux experts. Marion Bourdereau, experte des sujets URSSAF et de contributions sociales chez Ayming, et Vincent Hagenbourger DAF & juriste passionné de droit social/RH.

Dans cette épisode, vous découvrirez :

  • Les enjeux URSSAF pour les entreprises dans un contexte d’augmentation des contrôles
  • Faut-il avoir une confiance aveugle dans les outils SIRH ?
  • Les pistes pour améliorer sa politique de rémunération en maîtrisant le coût pour l’entreprise

Bonne écoute ! 🎧

Abonnez-vous pour ne rater aucun épisode. Pour ceux qui apprécient nous lire, retrouvez l’intégralité de leurs échanges ci-dessous. 

Ecouter l’épisode de « La voix des RH » sur l’optimisation de la performance financière des RH

Vincent HAGENBOURGER : Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de notre podcast La Voix des RH. Aujourd’hui, nous allons parler de charges sociales et contrôle URSSAF. Des thématiques qui, sur le papier, ne sont pas forcément hyper sexy. Mais vous allez voir, il y a beaucoup de choses à en dire. On va parler aussi de rémunération et de la manière dont on peut les optimiser au sein des entreprises.

Je suis Vincent Hagenbourger, directeur administratif financier et RH dans ma vie professionnelle. Je réalise aussi du contenu sur Linkedin et la rédaction d’une newsletter dédiée aux chiffres au sein de la fonction RH.

Et c’est parfait parce que c’est la thématique du jour. Une thématique qui m’intéresse et que j’ai grand plaisir d’en parler avec Marion Bourdereau. Marion, si tu veux bien te présenter avant qu’on entre dans le vif du sujet.

Marion BOURDEREAU : Oui, bonjour Vincent, bonjour à tous nos auditeurs. Je suis Marion Bourdereau, consultante chez Ayming. J’accompagne mes clients dans l’optimisation et la sécurisation de leur charge sociale.

Avant de faire de l’audit, j’ai eu une expérience de 10 ans sur des postes RH généralistes où je faisais différentes missions RH, mais notamment la gestion, la réalisation ou la supervision de la paie:  je suis une RH qui est passée de l’autre côté de la barrière.

Vincent HAGENBOURGER : Et qui, du coup, je suppose, te permet d’avoir une vision très large du sujet. Bien comprendre à la fois les problématiques des entreprises, de la partie chiffre jusqu’à la fonction RH. Je trouve que c’est vraiment intéressant.

Tu me le disais juste avant qu’on commence ce podcast, tu voyais l’activité des contrôles URSSAF repartir à la hausse. Chose qui s’était un petit peu tassée ces derniers temps avec la période Covid. Comment ça se traduit aujourd’hui ? Quels sont les sujets que les contrôleurs URSSAF vont regarder de plus près ? Parce que je pense que ça intéresse beaucoup d’entreprises.

Performance financière RH : nouveaux sujets de contrôle Post-Covid

Marion BOURDEREAU : Oui, effectivement Vincent, tu as raison. Aujourd’hui, les contrôles reprennent de plus belle. On a une belle reprise post-Covid.

Aujourd'hui, 90% des contrôles URSSAF amènent à une régularisation des cotisations, souvent majoritairement à un redressement.

Il ne faut pas oublier, qu’aujourd’hui, 90% des contrôles URSSAF amènent à une régularisation des cotisations et souvent majoritairement à un redressement. Ce qui me semble important de partager aujourd’hui, ce sont les nouveaux sujets de contrôle :

  • Le versement de mobilité itinérant. Il y avait un décret qui date de 2017. Après ce décret, s’est suivie une période de tolérance de la part des URSSAF. Et maintenant, les années qui sont contrôlées, du coup, peuvent faire objet d’un redressement sur ce sujet-là.
  • Nouvelle prérogative aussi des inspecteurs URSSAF, c’est la contribution pour l’obligation d’emploi des collaborateurs en situation de handicap, qui du coup maintenant fait partie de leur prérogative.

Vincent HAGENBOURGER : C’est ce qu’on appelle la D.O.E.T.H ?

Marion BOURDEREAU : Exactement, c’est la D.O.E.T.H, qui était avant déclarée auprès de la AGEFIPH.Maintenant qu’il est déclaré auprès de l’URSSAF, on a un vrai changement à la fois dans le mode de calcul de la contribution et dans le mode de déclaration auprès de l’URSSAF en DSN. Aujourd’hui, c’est un sujet sur lequel on a de nombreux écarts. Je pense notamment aux grands groupes qui ont de nombreux établissements avec peu de collaborateurs pour qui la réforme a eu un vrai impact dans le mode de calcul.

Vincent HAGENBOURGER : Oui, pour qu’on comprenne bien, auparavant, on calculait ça au niveau de la société et on a changé le mode de décompte, on l’a fait basculer sur les établissements, c’est ça ?

Marion BOURDEREAU : Alors effectivement, il y a une petite subtilité. Avant, ça dépendait si l’établissement était considéré comme autonome dans sa gestion, ou pas. Donc ça pouvait être un calcul par établissement ou par société en fonction de ce critère-là. Et aujourd’hui, ce qu’il faut savoir, c’est qu’on fait une seule déclaration globale. Pour les groupes qui avaient beaucoup d’établissements mais avec moins de 20 collaborateurs, il n’y avait pas forcément la même obligation, alors qu’aujourd’hui c’est le cas.

Vincent HAGENBOURGER : Ce que je comprends, c’est que la législation évolue. On a pas forcément conscience de l’impact réel. Donc l’URSSAF vient valider la pratique et si ce n’est pas dans les règles, il y a potentiellement un redressement à la sortie du contrôle.

Je me pose aussi la question du droit à l’erreur. Est-ce que dans les contrôles, le redressement est immédiat ou il y a une plus grande tolérance, notamment lors des premiers contrôles sur des thématiques nouvelles ?

Marion BOURDEREAU : Alors effectivement, ça va dépendre du sujet et surtout, ça va dépendre si le sujet a déjà été identifié par le contrôleur lors d’un éventuel contrôle précédent. Effectivement, si on a averti une première fois l’entreprise que sa pratique n’était pas la bonne, forcément, la deuxième fois, les règles se durcissent et le redressement  est à ce moment-là plus important.

Je voudrais juste rappeler sur ce sujet, c’est qu’aujourd’hui en contrôle d’URSSAF, ça ne concerne pas que la paie et le service RH. Ça concerne aussi toute la partie administrative et financière. Je pense particulièrement aux notes de frais, aux frais professionnels des collaborateurs et aussi à la partie de tous les avantages qui peuvent être accordés par les communautés économiques et sociales, les CSE.

Vincent HAGENBOURGER :  Oui, parce que je suppose qu’il y a une thématique qui consiste à dire « Ok, là, vous indemnisez vos collaborateurs dans le cadre de déplacements, sur de l’hébergement, sur des frais kilométriques. Il faut qu’on regarde si les conditions sont remplies pour qu’on exonère de cotisations ces remboursements et qu’on ne déguise pas du salaire. » C’est ça finalement que l’Urssaf va venir vérifier au sein des entreprises par des échantillons.

D’ailleurs, comment ça se passe quand un contrôleur Urssaf vient au sein de l’entreprise, il va aller contrôler tous les éléments ? Je suppose qu’il doit cibler peut-être certaines thématiques ?

Marion BOURDEREAU : Effectivement, ça dépend des spécificités qu’on peut rencontrer dans l’entreprise, de ce qu’elle va utiliser comme dispositif de rémunération. Et après, ça va dépendre aussi de la taille de l’entreprise et de la mise à disposition des documents. Pour avoir plus d’informations sur les différentes méthodes utilisées par les inspecteurs, je vous invite à réécouter le podcast dédié au contrôle URSSAF. Mais effectivement, il peut arriver que l’inspecteur, face à un nombre soit manquant de données ou soit trop important de données, puisse utiliser ce qu’on appelle un échantillon et du coup faire une extrapolation pour pouvoir établir un chiffre pour faire son redressement.

Vincent HAGENBOURGER : Oui, par exemple : il a contrôlé l’équivalent de 10% des salariés, il voit que ça se passe comme ça pour 10% des effectifs, donc il va étendre les analyses pour 100% des salariés. Il va faire une sorte de prorata pour calculer le montant de la régularisation et des pénalités à verser ?

Marion BOURDEREAU : Effectivement, ça peut être le cas. Et c’est là où être accompagné par un prestataire externe peut être intéressant pour l’entreprise. Par exemple, chez un de nos clients, à peu près 5000 collaborateurs, on avait observé un redressement URSSAF sur le motif de la réduction générale des impôts qui était d’un peu plus d’un million d’euros. Nous avons pu faire un recalcul de l’intégralité de la réduction générale sur l’année et la période qui étaient contrôlées. On a réussi à faire descendre ce redressement à un petit peu plus de 500 000 euros, soit moitié moins ! Donc ça peut être intéressant des fois, quand l’Urssaf utilise ce genre de méthode, de faire appel à un prestataire qui est capable de faire un recalcul intégral.

Vincent HAGENBOURGER : Belles économies à la clé. Pour l’entreprise, c’est sûr que ça doit changer la donne.

Bon, nous étions peut-être un petit peu long sur cette intro, mais c’était intéressant de parler de la thématique URSSAF, parce que le point que ça m’amène à aborder, c’est finalement : Quelle est la procédure interne à suivre au sein de l’entreprise pour éviter tout risque de redressement en cas de contrôle ? Puisque un jour ou l’autre, le contrôle URSSAF a lieu.

Améliorer sa performance RH grâce aux outils digitaux : quelle efficacité ?

Vincent HAGENBOURGER : Sur ce point, j’aimerais te poser quelques questions, car la technologie joue un rôle important. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises utilisent des suites de logiciels RH pour gérer tous les aspects de la paie et de la rémunération. Ces logiciels sont très performants et semblent fonctionner parfaitement, éliminant toute inquiétude. Est-ce vraiment le cas ?

Marion BOURDEREAU : Oui et non.

  • Oui, car aujourd’hui, les solutions disponibles sur le marché sont de plus en plus fiables, notamment en ce qui concerne le calcul de la paie. De plus, il existe maintenant des outils destinés aux collaborateurs, améliorant ainsi l’expérience RH et l’expérience collaborateur. Ces outils leur permettent de manière plus simple de gérer des tâches comme les déclarations de notes de frais ou l’envoi de justificatifs. En effet, ces solutions sont à la fois plus fiables, pratiques et intuitives. Les entreprises ont donc raison d’investir dans ce type de solutions.
  • Non, parce qu’il faut garder à l’esprit que la solution ne fait pas tout de manière automatique. Actuellement, de nombreuses entreprises technologiques ont connu une croissance significative, ce qui peut entraîner des effets de seuil importants. Par exemple, de nombreux dispositifs d’exonération ou de réduction des charges sociales sont basés sur l’effectif de l’entreprise, mais ça, la solution ne va pas le calculer toute seule.

Vincent HAGENBOURGER : Elle ne projette pas en avance ce qui va se passer en fonction de la taille de l’entreprise, si elle passe les 50 ou plus de salariés, c’est ça ?

Marion BOURDEREAU : Absolument. Il est crucial de se rappeler qu’une personne, c’est-à-dire un humain, est nécessaire pour reparamétrer la solution en continu afin de maintenir sa conformité. La solution seule ne peut pas garantir cela.

Vincent HAGENBOURGER : D’accord. En plus de cela, je pense qu’il est important de souligner que la solution technologique à elle seule n’est pas suffisante. Par exemple, même si la dématérialisation facilite de nombreuses procédures, il reste toujours des justificatifs à fournir. *

  • Prenez par exemple les mutuelles d’entreprise : bien que depuis quelques années elles bénéficient d’une exonération fiscale, elles sont soumises à un régime différent du salaire et impliquent des obligations de justification précises pour chaque collaborateur bénéficiaire. Imaginons qu’un employé refuse l’adhésion en invoquant le fait que son conjoint dispose déjà d’une mutuelle obligatoire. Lors d’un contrôle de l’URSSAF, il serait nécessaire de fournir des preuves pour garantir le maintien du régime fiscal avantageux. Les enjeux peuvent être considérables, notamment à grande échelle, impliquant potentiellement des sommes significatives lors d’un redressement fiscal touchant plusieurs centaines voire milliers de personnes bénéficiant d’un régime collectif de mutuelle.

Marion BOURDEREAU : Exactement, il est judicieux de rappeler le fonctionnement de ce mécanisme. Actuellement, la contribution patronale de l’employeur pour la mutuelle reste exonérée de cotisations, à condition que le régime demeure collectif. Par conséquent, l’employeur doit veiller à collecter et conserver soigneusement ses justificatifs pour les présenter à l’URSSAF en cas de contrôle. Les montants en jeu peuvent être considérables en cas de redressement, même pour un seul justificatif manquant.

  • Prenons par exemple une contribution patronale moyenne pour une mutuelle en France, soit environ 30 euros par employé. Cela équivaut à 360 euros par collaborateur sur une année. Si cette somme devait être réintégrée, les montants en jeu pourraient rapidement devenir significatifs, uniquement en raison d’un justificatif manquant. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir un outil intuitif et facilement accessible pour les collaborateurs, ce qui pourrait déjà contribuer à une forme de sécurisation.

Vincent HAGENBOURGER : Effectivement, en droit français, il existe de nombreux mécanismes similaires où les cotisations sociales ne s’appliquent pas, comme le remboursement des transports en commun, qui nécessite également la fourniture de justificatifs. En plus de la mutuelle et des frais kilométriques dont nous avons parlé précédemment, il est crucial de s’assurer que les avantages offerts ne sont pas assimilés à un avantage quotidien pour le salarié. Malheureusement, les logiciels ne peuvent pas toujours détecter ces subtilités. C’est pourquoi la compétence humaine est nécessaire pour appréhender ces sujets.

Recruter une bonne équipe RH : un défi à relever pour assurer une performance RH optimale

Est-ce qu’aujourd’hui, les entreprises sont bien équipées, disposent-elles des ressources en interne pour faire face à ces enjeux ? Quel est ton retour d’expérience à ce sujet ? Est-ce que ce sont principalement les grandes entreprises qui bénéficient de ces ressources, tandis que les petites et moyennes entreprises en disposent moins ?

Marion BOURDEREAU : Effectivement, nous sommes actuellement confrontés à un marché du recrutement assez compétitif dans ces domaines. Il est donc difficile pour les entreprises de retenir efficacement les talents dans les équipes de paie ou de RH. Cependant, il est crucial d’avoir une équipe bien formée ou au moins du temps alloué à ces fonctions. Pour les entreprises de taille plus réduite qui n’ont peut-être pas de personnel dédié à ces tâches, il est important d’examiner comment elles peuvent consacrer du temps à ces questions. Cela variera en fonction de la taille de l’entreprise. En outre, les défis liés à la sécurisation des processus dépendent également de la taille et du secteur d’activité de l’entreprise.

Vincent HAGENBOURGER : Oui. Donc finalement, pour en revenir au point initial, les solutions technologiques, c’est bien en appui, mais rien ne remplace l’humain. Et l’humain formé, pour ainsi dire, est un praticien qui doit maîtriser les sujets du droit, des chiffres et de la paie, tout en étant capable de jongler avec ces aspects pour garantir la conformité des pratiques de l’entreprise. Il est important qu’il soit compétent dans ces domaines pour sécuriser les opérations de l’entreprise. Il est crucial de se rappeler que l’URSSAF peut remonter jusqu’à trois années en arrière en cas d’erreur, ce qui signifie que les conséquences des erreurs passées peuvent peser sur l’entreprise pendant plusieurs années.

Marion BOURDEREAU : Le point que tu soulèves est très important. Après un contrôle, il faut aussi être vigilant pour bien vérifier que tous les motifs de redressement de l’inspecteur sont bien suivis, ont bien été modifiés dans la pratique de l’entreprise pour que ce motif-là ne soit pas redressé une prochaine fois. Donc l’entreprise, après un contrôle, elle doit faire attention aussi à bien se remettre en conformité pour sécuriser la suite.

Vincent HAGENBOURGER : Et donc, on ne le rappellera peut-être jamais assez, mais les processus ne sont pas simplement là pour décorer. Ils doivent être utilisés comme référence. En outre, ils sont conçus pour survivre au départ des employés et pour guider les nouveaux arrivants. Il est essentiel de pouvoir s’appuyer sur l’historique lors de l’intégration de nouveaux employés, afin d’assurer une continuité efficace. En effet, ne pas tirer pleinement les leçons des contrôles URSSAF précédents peut avoir des conséquences graves. Il est regrettable de supposer que l’inspecteur de l’URSSAF sera beaucoup moins tolérant lors de prochains contrôles s’il a déjà relevé des manquements dans un domaine spécifique.

Marion BOURDEREAU : Oui, et c’est à ce moment-là que l’on réalise l’importance du départ, par exemple, d’une personne clé au sein de ces services, ce qui peut être véritablement problématique pour l’entreprise. Il est donc essentiel d’assurer un suivi continu sur ces questions au fil du temps. C’est là qu’intervient le livre blanc, qui peut être une solution efficace. Il s’agit d’un document semblable à un cahier des charges, recueillant toutes les pratiques de paie de l’entreprise. Sa rédaction permet de suivre ces sujets, de former les nouveaux collaborateurs qui pourraient intégrer l’équipe, et d’assurer la transmission des connaissances et des compétences dans ce domaine.

Vincent HAGENBOURGER : Très intéressant. En résumé, nous pouvons constater que la technologie et les ressources humaines formées sont des éléments fondamentaux. Il est essentiel de s’appuyer sur des personnes compétentes dans le domaine, ainsi que sur des partenaires externes si les ressources internes sont limitées, notamment lors de phases de transition. Le livre blanc est un outil précieux pour assurer la sécurité dans ces domaines. Il est donc crucial de ne jamais se fier uniquement à l’outil, mais de toujours approfondir les sujets.

Rémunération et Avantages Sociaux : Trouver le Juste Équilibre

Vincent HAGENBOURGER : Nous avons abordé jusqu’à présent des sujets parfois anxiogènes, comme les contrôles URSSAF et les préoccupations financières qui en découlent. Cependant, il est également important de se pencher sur l’aspect de la rémunération. La législation française offre de nombreuses opportunités intéressantes dans ce domaine, surtout dans un contexte où le pouvoir d’achat des salariés est au centre des préoccupations.

Actuellement, de nombreux salariés, environ 20 %, se situent près du SMIC, ce qui impacte progressivement leur pouvoir d’achat. Les entreprises peuvent hésiter à augmenter les salaires, notamment pour ceux au niveau du SMIC, en raison des exonérations sociales dont elles bénéficient et des conséquences financières potentielles.

Cependant, il existe d’autres dispositifs moins connus qui peuvent permettre d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés sans alourdir considérablement la masse salariale de l’entreprise. Par exemple, des avantages en nature, des primes d’intéressement ou de participation, des titres-restaurants, des chèques-cadeaux, ou encore des avantages sociaux non monétaires peuvent être envisagés. Ces solutions peuvent contribuer à améliorer le pouvoir d’achat des salariés tout en préservant la situation financière de l’entreprise.

Est-ce que tu pourrais nous indiquer un petit peu les pistes que tu donnes pour se dire qu’on peut augmenter le pouvoir d’achat des salariés sans forcément passer par du brut et donc sans forcément alourdir le montant de la masse salariale de l’entreprise de manière conséquente ?

Marion BOURDEREAU : Il existe de nombreuses possibilités offertes aux entreprises. Je voudrais simplement revenir sur ce que tu mentionnais concernant les employés rémunérés au niveau du SMIC. Il est important de rappeler que la réduction générale des cotisations sociales, notamment pour les employés les moins bien rémunérés de l’entreprise, représente encore plus de 30 milliards d’euros chaque année d’allégements de charges sociales. Sur le plan individuel, cela équivaut à environ 6 700 euros par an en allègements de charges pour une personne travaillant à temps plein (35h) au SMIC. Pour un employé rémunéré à hauteur de 25 000 euros bruts, cela représente encore 4 700 euros par an. Ces chiffres demeurent significatifs.

Vincent HAGENBOURGER : Oui, d’où l’intérêt pour l’employeur de les conserver, puisque c’est des aides quand même conséquentes pour l’entreprise.

Marion BOURDEREAU : Effectivement, tu as raison. Ce qui est regrettable, c’est que lorsque l’employeur souhaite augmenter une personne rémunérée au niveau du SMIC, cela va effectivement coûter beaucoup plus cher à l’entreprise, car elle perdra cet allégement de charges. Cependant, pour le collaborateur, ce n’est pas nécessairement aussi avantageux, car il risque également de perdre d’autres avantages sociaux, des prestations familiales, ou de voir ses impôts augmenter, ce qui peut réduire l’intérêt de cette augmentation. En fin de compte, cela ne favorise pas l’augmentation de ces employés, car l’employeur sera contraint de limiter l’ampleur de l’augmentation, même s’il souhaitait faire plus.

Vincent HAGENBOURGER : Oui, en réalité, il existe deux aspects à considérer.

  • D’une part, il y a la dimension sociale, représentée par les cotisations de sécurité sociale. Ces cotisations ont un impact à la fois sur le salarié et sur l’employeur. En règle générale, le taux de charge reste relativement constant, autour de 22 à 23 %. Cependant, du côté de l’employeur, notamment pour les salariés rémunérés autour du SMIC, ce taux peut être d’environ 5 %. Lorsqu’il est nécessaire d’augmenter les salaires, les charges augmentent également, passant rapidement à des taux de 10 %, 15 %, voire plus, pour les rémunérations dépassant 2,5 fois le SMIC ou plus.
  • D’autre part, il y a l’aspect fiscal que tu as évoqué. En effet, lorsque le salaire augmente, certaines aides sociales liées au revenu peuvent diminuer ou disparaître. Il est possible que l’employeur ne soit pas conscient de cet aspect. Cependant, pour le salarié, ce qui compte avant tout, c’est le montant qu’il perçoit à la fin du mois. Il peut être déçu de constater une diminution de son pouvoir d’achat, même après avoir bénéficié d’une augmentation de salaire. Cette situation peut être source de frustration pour les entreprises, qui font des efforts financiers sans forcément obtenir la reconnaissance ou la fidélisation attendue de la part des salariés.

Donc, comment on se tire de tout ça finalement aujourd’hui ? Quelles sont les pistes ? J’ai des idées, mais je suis sûr que tu en as d’autres à me proposer aussi.

Marion BOURDEREAU : Dans ces cas-là, l’intérêt pour l’employeur, c’est d’essayer de ne pas forcément ajuster la variable de la rémunération brute qui est soumise à charge. Il est donc nécessaire de rechercher d’autres possibilités de rémunération. Par exemple, privilégier l’octroi d’avantages en net, comme nous l’avons évoqué précédemment. Proposer des avantages en net peut être moins coûteux pour l’entreprise. Je souhaite également revenir sur le sujet des aides à l’embauche, qui sont parfois négligées. Cette question sera d’ailleurs abordée dans un prochain podcast. Il est essentiel d’exploiter pleinement toutes les aides à l’embauche disponibles, même celles auxquelles on ne pense pas toujours.

Vincent HAGENBOURGER :  Les aides à l’embauche concernent effectivement l’entreprise. Par exemple, embaucher un apprenti peut bénéficier d’aides à l’embauche, comme nous l’avons largement discuté pour les contrats d’apprentissage. Cependant, il existe d’autres types d’aides à l’embauche, qui ne se limitent pas seulement aux contrats d’apprentissage. Dans certaines zones, comme les zones franches urbaines, ces aides sont également disponibles, n’est-ce pas ?

Marion BOURDEREAU : Zone d’emploi Franc. 

Vincent HAGENBOURGER :  On subventionne quelque part l’emploi pour certains types de contrats ou pour certaines zones d’emploi.

Marion BOURDEREAU : Exactement. Et on favorise à ce moment-là l’embauche. Du coup, je vous invite à écouter le prochain podcast sur le sujet qui sera très intéressant.

Vincent HAGENBOURGER : C’est une excellente nouvelle du côté de l’employeur. Du côté du salarié, cette année a vu l’émergence de nombreux dispositifs, dont certains sont devenus plus populaires. Parmi eux, les primes et les plans de partage de la valeur ont été largement discutés. C’est particulièrement intéressant du point de vue social pour les entreprises, car elles ne supportent aucune charge sociale :

  • Pour les entreprises de moins de 250 salariés, ces primes représentent un coût nul : chaque euro versé constitue une rémunération directe pour les collaborateurs.
  • Quant aux entreprises de plus de 250 salariés, elles sont soumises à un forfait social de 20 %, mais les avantages restent significatifs.

Du côté des salariés, ces dispositifs sont également très avantageux. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, les primes sont même exemptes d’impôts et de CSG-CRDS. Cependant, les salariés sont soumis à la CSG-CRDS et à l’impôt s’ils ne placent pas ces primes sur un support d’épargne salariale. En fin de compte, ces dispositifs méritent d’être encouragés, car ils ne sont pas inclus dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Ainsi, verser une prime ou mettre en place un plan de partage de la valeur n’affecte pas les exonérations de cotisations de sécurité sociale de l’entreprise. C’est là tout l’intérêt de ce mécanisme.

Marion BOURDEREAU : Et du coup, c’est un dispositif qui est de plus en plus utilisé par les entreprises, mais qui n’est pas encore autant exploité qu’on pourrait le faire.

Vincent HAGENBOURGER : Oui, en regardant les chiffres, on constate que, selon les détails, entre 20 et 30 % des petites entreprises mettent en place ces dispositifs. C’est relativement peu, surtout que ces dispositifs sont conçus en partie pour elles, étant donné qu’elles peuvent ne pas avoir les ressources nécessaires pour instaurer des accords de participation ou d’intéressement, qui sont également très avantageux. Cependant, il faut reconnaître qu’il existe une certaine complexité administrative associée à la mise en place et au suivi dans le temps de ces accords.

Est-ce qu’il existe d’autres dispositifs plus accessibles et simples à mettre en œuvre que les plans de partage de la valeur ?

Marion BOURDEREAU : Alors, nous pouvons offrir divers avantages aux collaborateurs, tels que les tickets restaurant, les chèques vacances, les chèques cadeaux, les chèques emploi-service universels (CESU) ou d’autres avantages similaires. Actuellement, la tendance dominante est de proposer une rémunération personnalisée de plus en plus individualisée et flexible pour les collaborateurs. Nous présentons un ensemble d’avantages variés, et le collaborateur peut alors choisir ceux qui lui conviennent le mieux. Par exemple, certains pourraient préférer les CESU pour régler les activités de leurs enfants, tandis que d’autres pourraient privilégier une indemnité de télétravail, qui peut également être exonérée jusqu’à un certain seuil. En résumé, il s’agit de proposer un ensemble d’avantages parmi lesquels le collaborateur peut faire son choix en fonction de ses besoins et préférences individuels.

Vincent HAGENBOURGER : Oui, donc ce que nous comprenions bien, c’est une sorte de cagnotte. Et selon l’utilisation, bien sûr, nous ne pouvons pas faire n’importe quoi, il faut que les fonds soient affectés à un dispositif légal existant. Cependant, nous pouvons adapter l’utilisation en fonction de nos besoins. D’ailleurs, de nombreuses applications ont récemment été développées pour faciliter la mise en place de ces éléments pour les collaborateurs.

Marion BOURDEREAU : Il y a de plus en plus de solutions disponibles sur le marché aujourd’hui, c’est un fait. Cependant, je voudrais souligner un point sur ce sujet. Comme nous l’avons mentionné précédemment, avec le caractère collectif, par exemple, de la mutuelle, il est important de faire attention. Normalement, les avantages bénéficiant d’exonération sont ceux proposés à tous nos collaborateurs, ou du moins à la même catégorie de collaborateurs. Nous revenons ainsi à un dispositif qui n’est pas collectif, et par conséquent, il ne peut pas forcément bénéficier des exonérations associées.

Vincent HAGENBOURGER : Oui, c’est un point crucial. En effet, l’avantage social et parfois fiscal du régime est directement lié à son caractère collectif. Si ce caractère collectif est perdu, les avantages associés disparaissent également. C’est un aspect crucial à prendre en compte, car si l’on opte pour une rémunération individuelle, cela sera considéré comme du salaire brut, entraînant ainsi le paiement de cotisations sociales plus élevées. Dans ce cas, il n’y a pas d’autre alternative.

Marion BOURDEREAU : Effectivement. Ainsi, l’entreprise dispose aujourd’hui d’une gamme étendue de possibilités pour optimiser les rémunérations ou les charges sociales. Cependant, il est crucial de rester vigilant. Les conditions liées à ces dispositifs peuvent être floues et variées, ce qui rend important de bien s’informer.

Il convient de se poser des questions telles que : quels sont les dispositifs que je peux proposer dans ma structure ? Sont-ils cumulables ? En effet, certains dispositifs ne sont pas toujours cumulables, ce qui nécessite une attention particulière. Enfin, il est essentiel de rappeler que ces sujets demeurent très techniques, et qu’il est nécessaire de disposer d’une expertise interne ou externe pour les gérer efficacement.

Vincent HAGENBOURGER : D’accord, oui, pour éviter justement derrière de craindre que ce qu’on pensait être un avantage peu coûteux, trois ans plus tard, quand l’URSSAF revient, nous disent « Ah, vous ne pouvez pas le faire de cette manière-là. »

Donc, le message principal à retenir est d’envisager des dispositifs alternatifs à la rémunération brute. Toutefois, il est crucial de trouver un équilibre. La rémunération brute reste la pierre angulaire, étant donné qu’elle détermine les droits à la retraite future, les indemnités de chômage, ainsi que les droits en matière d’indemnité de licenciement ou de départ à la retraite. Il est donc primordial de la maintenir.

Cependant, il est également important de comprendre les contraintes financières auxquelles peuvent être confrontées les entreprises. Ainsi, plutôt que d’opter uniquement pour une augmentation en brut, il peut être judicieux de diversifier les formes de rémunération. Parmi les options disponibles, on retrouve les primes de partage de la valeur, l’intéressement, la participation, ainsi que les avantages en nature tels que les titres restaurant, les chèques CESU, ou les chèques culture.

Il est essentiel de mettre en place ces dispositifs de manière collective, tout en veillant à respecter les conditions légales d’application pour ne pas perdre les avantages associés à ces éléments. J’espère que ces échanges auront été inspirants pour nos auditeurs.

Ce fut un plaisir de discuter avec vous aujourd’hui, Marion. Et j’espère vous retrouver nombreux dans les prochains épisodes de La Voix des RH. Merci.

Ecouter le podcast « La Voix des RH « 

Pour tous ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’écouter les premiers épisodes du podcast « La voix des RH« , retrouvez-nous chez sur Ausha et sur toutes les plateformes de podcast. Abonnez-vous !

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