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La Voix des RH : prévenir les risques psychosociaux et physiques au travail

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Des échanges concrets et dynamiques sur les enjeux RH, des réponses pragmatiques et novatrices apportées par des experts… Découvrez « La Voix des RH » notre chaîne de podcast Ayming !

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Dans ce nouvel épisode, découvrez l’analyse des risques psychosociaux et physiques, illustrée par des exemples concrets. Explorez leur impact sur la productivité, le bien-être des collaborateurs et l’attractivité des entreprises. Manal Say consultante ESG chez Ayming & Jean-Bernard Eliet, consultant au département QVCT explorent les enjeux des risques psychosociaux (RPS) et physiques dans le secteur tertiaire.

Dans cet épisode, vous découvrirez :

  • Les défis des espaces de travail dans le tertiaire : open spaces déshumanisés, surcharge cognitive, interruption fréquentes et leurs impacts sur la santé des collaborateurs.
  • Des pistes de solutions concrètes : concevoir des bureaux adaptés, recueillir les attentes des salariés, repenser la politique salariale et trouver le juste équilibre entre flexibilité et organisation.
  • L’importance d’une approche cohérente et alignée avec les objectifs ESG : éviter les initiatives symboliques pour privilégier des actions pertinentes et durables.

Bonne écoute ! 🎧

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Ecouter l’épisode de « La voix des RH » : Prévenir les risques psychosociaux et physiques au travail : Indice ESG

Manal Say : Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans un nouvel épisode de La Voix des RH.

Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’être parmi vous et d’aborder la thématique en lien avec les risques psychosociaux dans le secteur tertiaire et comment ils se conjuguent avec les politiques ESG.

Jean-Bernard, je te passe la main et j’aimerais que tu te présentes et que tu nous fasses une petite définition de ce qu’on entend par les risques psychosociaux et les risques physiques en lien avec le secteur tertiaire.

Jean-Bernard Eliet : Bonjour à tous, bonjour Manal.

Je m’appelle Jean-Bernard Eliet, je suis consultant au département QVCT. Toute cette partie liée aux risques physiques et psychologiques dans le secteur tertiaire est un sujet important qu’on va pouvoir aborder tous les deux aujourd’hui.

  • Les risques physiques : ce sont les risques purement mécaniques de chute, de TMS (troubles musculo–squelettiques) liés au poste de travail.
  • Les risques psychosociaux : ce sont le mal-être au travail, la surcharge mentale, le « je n’ai pas d’avenir », toutes ces parties-là qui vont faire qu’à un moment donné, on va psychologiquement avoir des gros soucis.

Ce sont donc les sujets que l’on va aborder. Cependant, j’aimerais que tu m’expliques la partie ESG.

Manal Say : C’est une bonne question. Pour me présenter je suis Manal Say, consultante ESG chez Ayming.

Environnement, social et gouvernance (ESG) : de quoi parle-t-on ?

Manal Say : Justement, ESG veut littéralement dire : environnement, social et gouvernance. Et pourquoi ce trio gagnant ?

Les entreprises sont censées instaurer des politiques sur ces trois volets-là, qui incluent notamment le volet social avec des indicateurs qu’on va pouvoir mesurer et évaluer.

Ces indicateurs vont nous servir à déterminer si une entreprise a une bonne santé financière et extra-financière.

Quand je dis extra-financière, c’est bien sûr en incluant des indicateurs comme :

  • le taux de turnover,
  • le bien-être au travail,
  • les mesures et les politiques.

Ces éléments sont instaurés dans cette entreprise et peuvent en dire long sur sa santé globale.

Les dirigeants souhaitent investir dans cette entreprise, la qualifier par rapport à ses pairs et instaurer des dynamiques en déployant des actions qui vont dans ce sens.

Et donc l’ESG, de manière assez globale, intègre le volet environnemental mais aussi le volet social où on accorde une importance première et essentielle aussi à tous ces volets-là.

Il s’agit non seulement de la sécurité et de la santé au travail, mais aussi du bien-être.

Par exemple, le bien-être peut être relié au secteur tertiaire : on analyse alors toutes les actions mises en place, ainsi que les politiques, qu’elles soient formalisées ou non, au sein de l’entreprise.

L’objectif est de les mettre en valeur et de les relier à la pérennité du modèle d’affaires et à la durabilité de l’entreprise à moyen et long terme.

Je te laisse la main, Jean-Bernard, pour nous expliquer quelles mesures pourraient être mises en place afin de soulager les collaborateurs ou d’évaluer ces risques.

Pourrais-tu également nous parler des risques associés à l’open space et au travail de bureau classique ?

L’espace de travail : un enjeu souvent sous-estimé

Jean-Bernard Eliet : En général on va démarrer une mission et on va s’apercevoir que ça démarre par un mal-être général. Pourquoi ?

Le travail tertiaire, si on prend par exemple le secteur de l’industrie, c’est un peu le parent pauvre de l’aménagement.

On s’est intéressé à la production, on a aménagé les postes de travail, on a aménagé les zones de convivialité dans les ateliers.

Et les personnes de bureau, donc les personnes tertiaires, ont un peu été mis de côté dans toute cette partie aménagement. Et cela puisqu’on estime que les personnes qui sont dites de bureau ont peut-être une place plus privilégiée que la production et c’est une idée préconçue et reçue par beaucoup de personnes.

On se retrouve avec des personnes qui sont dans des espaces mal conçus, mal définis. On est passé d’un bureau individuel à un open space, donc une plateforme où on peut retrouver plusieurs dizaines de personnes, voire plus, qui travaillent côte à côte.

Il y a certaine promiscuité, l’impression d’être en permanence observé par les managers, par ses collègues, avec des exemples très basiques : « je vais plusieurs fois aux toilettes, qu’est-ce qu’ils vont dire, qu’est-ce qui se passe ? ».

On est sur des problèmes peut-être très basiques, mais qui peuvent être problématiques.

En moyenne, une personne est dérangée 50 fois par heure dans un openspace.

Le fait d’être observé par les managers fait qu’on peut ressentir un certain malaise. Le gros problème aussi c’est d’être dérangé, en moyenne une personne statistiquement est dérangée 50 fois par heure donc impossible de se concentrer sur son projet, travail.

Une tâche encore plus urgente peut surgir, nous obligeant à mettre de côté celle déjà entamée pour nous concentrer sur cette nouvelle priorité. Puis, nous pouvons être de nouveau interrompus et devoir nous déplacer afin de résoudre un autre problème.

Tout cela fait partie d’un ensemble qui va commencer à générer un mal-être. Et en parallèle, on pourrait aussi se pencher sur la partie risques physiques. Quand on a un mal-être psychologique, on peut avoir aussi une problématique physique.

Et c’est là où on va commencer à parler des TMS, parce qu’on se retrouve sur un poste de travail réduit avec :

  • une promiscuité,
  • travail répétitif,
  • travail sur écran,
  • l’éclairage,
  • le bruit,
  • la température,
  • l’hydrométrie,
  • être confiné avec 40 personnes,
  • maladies diverses.

Donc tout cela fait partie d’un ensemble qui vont déterminer, et provoquer de l’absentéisme et qui vont faire partie, je pense, des indicateurs que tu as évoqués.

Manal Say : Je pense également que les indicateurs liés à l’espace de travail sont essentiels. En d’autres termes, si je peux me permettre l’expression, il ne s’agit pas d’adopter une logique où l’on entasse une centaine ou deux cents personnes sur un bench pour leur demander de produire.

Ce type de situation reflète des problématiques managériales que les directoires doivent prendre en compte dans la stratégie globale de l’entreprise.

Comment j’atteins mes objectifs ? C’est d’abord la rentabilité et la survie de mon entreprise dans un moyen long terme.

Quand je vais accompagner une entreprise dans une logique ou une démarche d’instauration d’une politique ESG, sur le volet social, ce sera :

  • la pérennité de l’entreprise,
  • la pérennité des talents,
  • la montée en compétences,
  • comment je garde mes effectifs,
  • comment je diminue mon absentéisme,
  • quelles sont les mesures que je pourrais entreprendre en ce sens.

Le budget est souvent serré, donc il faut faire avec les moyens du bord. Il faut imaginer des choses prioritaires qu’on devrait exécuter avec un moindre budget.

Les entreprises qui adoptent un système de management qui est axé sur l’objectif et pas sur des mesures de présentéisme de : « Vous venez à 8h vous terminez à 19h ou 20h » et où on a une remarque quand on a une urgence personnelle et que l’on part tôt l’après-midi, « alors Manal tu as pris ton après-midi ? ».

C’est sur le ton de la blague, qu’on peut absorber oui, mais ce sont des blagues qui sont mal perçues par le collaborateur.

Cela est particulièrement vrai pour un collaborateur engagé, qui atteint ses objectifs et cherche à surperformer. Être constamment observé ou micromanagé peut le vider de son énergie et l’amener à se dire :

Si les objectifs sont définis et que je dois, de toute façon, rendre des comptes trois fois par semaine ou participer à plusieurs réunions uniquement pour rassurer mon manager, plutôt que de faire avancer le projet : cela risque de devenir démotivant.

Il ne faut pas oublier que certains managers sont eux-mêmes stressés, et ce stress peut se manifester de différentes façons.

Ce qui est aussi compliqué dans ces métiers de bureau, c'est la problématique de ne pas pouvoir déconnecter, on parle de charge mentale.

La charge mentale : comprendre et prévenir l’épuisement au travail

C’est une thématique très actuelle. On entend souvent parler de la charge mentale, et certains la considèrent, à tort, comme un sujet spécifiquement féminin. En réalité, tout le monde peut être concerné par cette problématique.

La charge mentale se manifeste notamment par une saturation de l’espace disponible dans notre esprit.

Le cerveau est comme un muscle, il peut être entraîné. Mais lorsqu’on doit gérer plusieurs urgences, mener plusieurs projets de front tout en maintenant une vie personnelle équilibrée, on finit par surchauffer. À ce moment-là, on commence à fonctionner comme une machine ou un ordinateur qui rame sous la surcharge.

Si un collaborateur performant est surchargé de travail, le risque est de le perdre. Et ce départ pourrait entraîner un coût financier très élevé pour l’entreprise. C’est un risque important à considérer.

Par exemple, lorsque j’analyse les indicateurs ESG avec mes entreprises, le taux de turnover est un élément clé.

Si, par exemple, j’audite une startup et que je constate un turnover de 10 %, cela m’inquiète. Non seulement cela peut refléter une instabilité interne, mais en termes de notation ESG, particulièrement sur le volet social, ce ne sera pas très valorisant pour eux.

D’un point de vue investissement, ces cotations ESG jouent un rôle crucial, car elles servent aux investisseurs pour prendre des décisions, que ce soit pour acheter des actions ou réaliser des acquisitions. Si le taux de turnover dépasse les 10 à 20 %, cela signifie qu’il y a un risque important pour la pérennité de l’activité, car on se retrouve avec des départs fréquents et un manque de stabilité au sein de l’entreprise.

Je vais peut-être me poser la question deux fois. : Ok, financièrement le modèle est viable, mais est-ce que j’aurai les compétences qui suivent ?

En Île-de-France, on pourrait penser qu’il y a suffisamment de talents disponibles, mais après un déplacement chez un industriel, je constate que la réalité est bien différente. Cet industriel m’a expliqué qu’ils étaient en plein emploi, qu’ils manquaient de compétences et qu’ils peinaient à recruter. Tout cela dans un contexte de crise financière. Comment fait-on ?

C’est surtout ça la problématique.

Et donc :

  • Quelles sont les mesures générales qu’on pourrait aussi s’imaginer en ce sens ?
  • Est-ce qu’il y a des choses justement qu’on pourrait envisager pour pallier cette sur sollicitation, en open space et au micro management, à toutes ces problématiques-là, Jean-Bernard ?

Open space et flex office : les risques et enjeux pour la QVT

Jean-Bernard Eliet : Juste avant de commencer à aborder les solutions, je voudrais juste rajouter par rapport à toutes les remarques que tu as faites, que l’on a tendance à déshumaniser les bureaux.

On parle d’open space et on a réduit les surfaces. Les entreprises ont réduit le nombre de mètres carrés par personne par rapport aux bureaux individuels. On va retrouver aussi les flex office, c’est-à-dire que je n’ai plus de bureau personnel. Je n’ai plus la photo de mes enfants, de mon époux/épouse. Je n’ai plus mes petits objets personnels, etc.

J’arrive le lundi, je suis à la place A. Le mardi, je suis à la place C, etc. Donc on a réduit tout cet espace.

Il y a même des entreprises qui ont recherché encore à optimiser encore un peu plus. Ils ont déterminé qu’avec les absences, les congés, les RTT, le télétravail, ils pouvaient encore réduire de 10%, 20%, 30% les surfaces.

On est vraiment soumis à cette pression et on a déshumanisé nos espaces de travail.

Pour arriver vers des ébauches de solutions et qu’on recherche à organiser un open space, il faut déterminer quels sont les besoins des personnes.

  • J’ai besoin de surfaces de stockage. On a peut-être réduit les nombres d’armoires et de tiroirs. On retrouve alors des risques physiques liés à des espaces surchargés par des boîtes d’archives, avec des dessus d’armoires complètement occupés par des classeurs et des cartons. Et cela même si on a beaucoup mis sur informatique.
  • On va trouver des personnes qui restent 8 heures sur leur siège, qui ne bougent pas, qui vont donc avoir des problématiques.
  • Il faut prévoir qu’ils puissent communiquer sans perturber les autres. Les dialogues avec les collègues, ce sont aussi des interventions de tierces personnes qui viennent de différents services, le téléphone.

Tout cet espace bruyant, il faut voir comment le réduire :

  • physiquement en aménageant le local avec des matériaux acoustiques,
  • dans l’organisation parce qu’on va faire un plateau de quatre personnes qui sont sur le même projet, sur le même service et qui vont dialoguer à voix basse sans perturber les autres.

C’est toute cette partie où il faut travailler avec

  • les occupants du bureau,
  • les services méthodes,
  • les bureaux d’études,
  • la médecine du travail,
  • faire des mesures de bruit,
  • l’éclairage.

On peut trouver des bureaux qui sont aveugles, pas d’ouverture sur l’extérieur. Donc comment on peut palier à ce problème.

Des problèmes de température. En moyenne, les températures d’open space sont plus élevées que les températures de bureaux individuels. Ça peut paraître banal, mais c’est très important si on se retrouve dans un milieu totalement confiné.

C’est toute cette partie, analyse du besoin, intégrer la QVT, est-ce qu’il y a des espaces qu’on peut prévoir et qu’on peut aménager pour sortir un peu et se ressourcer avant de reprendre ?

C’est ce qu’il faut pouvoir analyser avant de définir comment je vais implanter mes bureaux. Qui peuvent être un mix avec du flex office, des bureaux statiques et du bureau individuel.

Je pense que la vraie solution est un mix de toutes ces techniques-là.

Manal Say : A titre anecdotique, il ne s’agit pas seulement de mettre une table de billard ou de ping-pong à l’entrée de l’entreprise pour montrer qu’on est jeune, qu’on a une politique de QVT. Ce genre de discours, de communication, est basée sur l’apparence, sur l’aspect un peu décoratif.

Par exemple, aménager des espaces pour garer des vélos est très important pour introduire un projet de décarbonation et s’aligner avec les objectifs de zéro émission en 2030 ou en 2050.

En revanche, si je suis un industriel en région rurale, ça ne sert à rien d’instaurer ce genre de mesures parce que mon premier salarié habite à 15-20 kilomètres et je doute qu’il puisse prendre son vélo chaque jour pour venir au travail.

Donc, il faut aussi que les mesures soient en adéquation avec l’entreprise, et ses besoins.

Il ne faut pas uniquement instaurer des mesures décoratives pour montrer qu’on fait quelque chose, mais il faut que cette politique soit adaptée et se base d’abord sur un recensement des besoins.

On peut, en ce sens, faire des groupes de travail, avoir des sondages qui sont adressés à tous les salariés pour essayer de shortlister et de prioriser les enjeux.

Il y a un autre sujet très important en lien justement avec le bien-être psychologique et la souffrance au travail, c’est la politique salariale d’une entreprise.

La politique salariale : enjeu de reconnaissance et de motivation

Si j’ai un collaborateur qui est au même endroit, avec le même salaire depuis 3-4 ans, voire plus. Est-ce que cette personne est désengagée ?

C’est justement pour ça, qu’elle n’a pas d‘augmentation de salaire, de valorisation de poste, d’autres responsabilités, ou peut-être changer de périmètre, de scope ?

Est-ce que, ma politique salariale, de gestion des ressources humaines, est inadaptée et fait abstraction de ce type d’indicateur ?

Si dans mes effectifs, sur 3, 4 ou 5 ans, j’ai un grand pourcentage de personnes qui sont stagnantes. J’ai des risques de départ.

À moins que je ne sois dans une région où je suis l’unique employeur, auquel cas je peux être serein et finalement, les salariés y trouvent aussi leur compte parce qu’ils évoluent dans un environnement stable.

Ne pas valoriser les talents internes est un signe de désengagement. De plus, comme je l’ai souligné précédemment, la perte de ces collaborateurs engendre un coût financier pour l’entreprise.

J’ai interrogé le CODIR d’une industrie pour comprendre quels « garde-fous » ils mettent en place à ce sujet.

Ils ne disposent pas d’une politique de management basée sur des indicateurs et des grilles clairement définis. Toutefois, j’ai également cherché à comprendre leurs pratiques concrètes, au-delà de la documentation que j’ai pu analyser. Le directeur des métiers de support, m’a expliqué que, certes, les équipes sont évaluées, mais chacune selon son périmètre et avec son propre manager.

Il demeure donc une part de subjectivité. Le « garde-fou » envisagé est le suivant : si, au bout de 3 ans, je constate qu’un collaborateur stagne et n’a jamais bénéficié d’augmentations ni d’un nouveau poste malgré l’enveloppe salariale allouée, alors, arrivé à la troisième ou quatrième année, je propose de nous questionner sur l’opportunité de nous séparer de cette personne.

Cette proposition peut sembler choquante, mais elle vise surtout à interroger l’épanouissement et la valorisation du collaborateur. Elle pousse le manager à vérifier si, malgré un engagement discret, l’employé accomplit efficacement ses missions. Dans ce cas, les employeurs ne doivent pas le pousser vers la sortie. Au contraire, ils doivent reconnaître ses contributions à leur juste valeur pour favoriser une dynamique plus positive.

Jean-Bernard Eliet : Je suis tout à fait d’accord avec toi, le fait de ne pas valoriser les personnes n’est pas du tout dans le bon sens.

On a une culture où justement, quand on fait les choses bien, c’est normal, et on ne le dit pas. Et en entreprise, c’est souvent le cas.

Si on revient un peu en arrière, à l'école c'est le même chose, une copie quand on la reçoit, il n'y a que du rouge, il n'y a jamais de vert. On note que ce qui est mauvais, mais on n'a jamais entouré en vert ce qui est bon.

Ensuite, dans la vie professionnelle, un collègue accomplit sa tâche et atteint son objectif. Cependant, comme cela fait partie de ses attributions contractuelles, personne ne le reconnaît ni ne le souligne.

De la même façon, personne ne prendra le temps de lui dire : « Super, tu as bien fait ce que tu devais faire », même si c’est précisément son travail.

Et ça fait partie de toute cette problématique justement de charge mentale et de la QVT. En effet, ce n’est pas mettre un baby-foot à l’entrée du bureau qui va faire que l’on va résoudre le problème.

Donc il y a cette partie valorisation, mais aussi :

  • Quel est mon avenir dans l’entreprise ? On change tout le temps de bureau, mais je n’ai pas de vue sur mon avenir.
  • Est-ce qu’on me propose des formations ?
  • Est-ce que je peux évoluer ?
  • Est-ce que je peux changer de métier ?

Enfin, toutes ces parties-là vont faire aussi partie de cette charge.

Manal Say : Et je pense qu’il est essentiel d’écouter ce qui se passe en interne, d’avoir une sorte de stéthoscope à travers des enquêtes ou en étant vraiment proche des personnes qui exécutent, qui font de l’opérationnel, qui sont en production.

Si je fais juste deux réunions par année sur la vision RH avec les tops managers, peut-être que je ferais des loupés.

Par exemple, chez Ayming, en interne, ils exécutent des enquêtes qui s’appellent « How do you feel ?». Ce qui nous permet justement de faire ressortir pas mal d’indicateurs sur la pérennité, la continuité, le bien-être au travail.

C’est-à-dire que si tout le monde est surmené, si les gens ne sont pas contents. Cela remonte directement au top management qui prendra des mesures correctives, des actions ou parfois juste une communication.

Une entreprise, peu importe sa taille, peut rencontrer des problématiques financières. Ainsi que des problématiques d’augmentation, d’inflation.

Je peux traverser des difficultés financières. Si j’informe mes collaborateurs qu’il s’agit d’une période compliquée, marquée par du flottement et nécessitant des actions prioritaires. Il est possible que les collaborateurs n’aient aucun mal à accepter qu’il y ait une petite stagnation ou autre.

Si, à l’inverse, je reste très opaque et ne communique ni sur la santé financière ni sur les objectifs à moyen et long terme. Le désengagement est inévitable. Les collaborateurs qui accomplissent leurs tâches et atteignent leurs objectifs entretiennent, même sans l’exprimer, des attentes légitimes liées à leur performance.

Si les managers ne prennent jamais en compte ou ne satisfont pas ces attentes, les collaborateurs se sentent ignorés et perdent toute motivation. Ils peuvent alors conclure que leurs efforts ne servent à rien, générant de la souffrance au travail et un désengagement profond.

Ce n’est pas que le côté salarial, encore une fois, c’est aussi la reconnaissance du travail. On peut se dire, que l’on a un salaire, que l’on effectue un travail, c’est normal. Les managers et les collaborateurs jouent un rôle essentiel en félicitant, en rendant visibles et en remerciant leurs collègues.

Justement, pour prévenir ce type de mal-être au travail, il est très important de diffuser un climat de bienveillance. Cela rentre dans la logique de culture d’entreprise.

L’entreprise doit se saisir d’une culture avec des valeurs fortes qu’elle essaye de diffuser à travers différentes actions.

La bienveillance ne doit pas se limiter à un simple slogan affiché sur un site web. Elle doit s’incarner concrètement par le biais de formations, de coachings, d’une communication régulière ou encore de tables rondes. C’est ainsi que se développe une véritable culture d’entreprise bienveillante, apte à prévenir les risques psychosociaux et la souffrance au travail.

Il y a une dernière question sur les actions ESG prioritaires à déployer pour instaurer un climat de travail agréable. Sur le volet aménagement des espaces, vous aviez abordé le fait d’instaurer des étiquettes, des voyants. Est-ce que vous avez des propositions en ce sens ?

Aménagement : quelles solutions pour réduire les risques?

Jean-Bernard Eliet : En matière d’aménagement des postes, il est toujours préférable d’intervenir en amont, en associant les personnes concernées et les concepteurs.

Lorsqu’il s’agit de bureaux déjà existants, l’enjeu consiste à atténuer au maximum les problématiques.

Pour permettre à chacun de se concentrer sans interruptions, certaines entreprises utilisent des voyants rouges et verts près des écrans. Un collaborateur active le voyant rouge pour signaler qu’il ne souhaite pas être dérangé pendant son travail.

Ces astuces, issues directement des personnes travaillant dans cet espace, illustrent l’importance de recueillir les retours d’expérience et de favoriser le partage de bonnes idées.

Le deuxième point essentiel, qui rejoint ce que tu évoquais, est l’importance du dialogue. Il ne doit pas rester figé ni se limiter à des échanges purement professionnels. Au contraire, instaurer des moments d’échanges informels est primordial.

Par exemple, certaines entreprises encouragent leurs managers à passer régulièrement à la machine à café pour discuter de sujets hors du cadre du travail. Cela crée une ambiance plus conviviale, moins centrée sur la performance, où chacun ne se sent pas constamment observé.

Les indicateurs ESG : mesurer le bien-être et l’engagement

Manal Say : D’un point de vue ESG, il existe un large éventail d’indicateurs, d’actions et de politiques permettant de favoriser le bien-être au travail et de prévenir l’absentéisme ou le burn-out.

Cela peut passer par l’obtention de certifications et la mise en place de dispositifs formalisés. Il faut également élaborer un plan de communication adapté pour déployer ces mesures de manière cohérente dans l’organisation.

Il est essentiel que le le top management, s’empare de ces questions et les intègre formellement dans la stratégie et la politique d’entreprise.

À défaut, si seules des initiatives individuelles existent, elles risquent de ne pas perdurer, surtout si l’organisation reste centrée sur la seule performance financière.

L’analyse d’une procédure ou d’un processus de management et d’évaluation constitue un indicateur ESG essentiel, car elle permet de déterminer si la « santé extra-financière » d’une entreprise est satisfaisante ou non.

Ces indicateurs gagnent en importance, notamment avec l’adoption de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) au niveau européen. Elle impose à certaines entreprises, au-delà de seuils précis, de publier un rapport de durabilité.

Ce rapport de durabilité doit comporter divers indicateurs, notamment sociaux, afin d’évaluer :

  • le bien-être au travail,
  • l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle,
  • la charge horaire,
  • les conditions de travail.

L’idée est d’éviter de se limiter à la mobilité durable ou à la décarbonation. Il ne faut pas laisser les collaborateurs s’épuiser par manque de considération pour leur santé et leur engagement.

L’obligation de communiquer sur ces indicateurs et de les intégrer au rapport de gestion incite les entreprises à une démarche plus ambitieuse. Cela renforce leur engagement en faveur du bien-être au travail.

Investisseurs, banques et partenaires, y compris les fournisseurs, s’intéressent à ces aspects et exigent des garanties. Cela oblige les dirigeants à dépasser la seule performance financière.

Voilà, en quelque sorte, le mot de la fin.

Je ne pense pas qu’il existe une seule bonne réponse. Cependant, nous ne pouvons plus ignorer ces sujets ni penser que seuls l’industrie et les dangers physiques liés aux machines sont concernés. Les métiers intellectuels du secteur tertiaire comportent aussi des risques spécifiques. Intégrer ces enjeux de manière pérenne dans la stratégie d’entreprise représente donc une véritable force.

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