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Réforme du compte pénibilité : de la prévention à la réparation

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Avis d'expert
juillet 12, 2017

Le premier ministre Edouard Philippe a annoncé samedi, aux cinq principales organisations syndicales et patronales, aux trois grandes organisations patronales, ainsi qu’à la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, une réforme du compte pénibilité.

Le « compte personnel de prévention de la pénibilité » permet aux salariés du secteur privé occupant un poste jusqu’alors qualifié de « pénible » de cumuler des points afin de se former (sur un poste moins pénible), travailler à temps partiel sans perte de salaire et/ou partir plus tôt à la retraite. Rappelons qu’en priorité les 20 premiers points doivent être utilisés pour la formation. Ce compte est entré en vigueur (par étapes !) depuis 2015.

Nous n’en sommes encore qu’aux annonces et il faudra attendre la parution des textes réglementaires pour plus de certitudes (réforme à priori prévue dans les ordonnances de cet été réformant le code du travail). Toutefois, en synthèse, 3 principales mesures sont attendues :

Le compte change de nom

Le « compte personnel de prévention de la pénibilité » devient « le compte professionnel de prévention ».

Exit donc, le terme de « pénibilité ». Sans surprise, puisque durant sa campagne,  Emmanuel Macron avait indiqué son souhait de retirer le mot « pénibilité » du compte à points, disant ne pas « aimer le terme » parce qu’il « induit que le travail est une douleur ».

4 des 10 facteurs sont supprimés

Les 4 facteurs les plus décriés par le patronat en ce qu’ils sont, avouons-le, plus difficiles à mesurer, sont supprimés de l’obligation de diagnostic et donc, de déclaration par l’employeur dans la DSN de début d’année.

Il s’agit des facteurs suivants :

  • Manutention manuelle
  • Postures pénibles
  • Vibrations
  • Risque chimique

Toutefois, les salariés exposés à l’un de ces risques-là pourront toujours bénéficier d’un départ anticipé à la retraite, seulement si une maladie professionnelle a été reconnue  et à condition que le taux d’IPP (taux d’Incapacité Partielle Permanente) excède 10 %.

Un critère qui n’est pas sans rappeler celui choisi au moment de la réforme des retraites de 2010 (1).

Sur ces 4 facteurs, la pénibilité bascule donc de la prévention vers la réparation… mais pour les 6 autres, le système reste inchangé (les points obtenus restent acquis).

Les 2 cotisations payées par les employeurs pour financer le dispositif sont supprimées

Actuellement, le compte pénibilité est financé par 2 cotisations :

  1. Une cotisation « de base » de 0,01 % des rémunérations acquittée par toutes les entreprises et
  2. Une cotisation « additionnelle », fixée à 0,2 % pour les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité au-delà des seuils (et 0,4 % pour plusieurs critères).

Edouard Philippe a annoncé que «les cotisations spécifiques […] seront supprimées », et que  « Le financement des droits en matière de pénibilité sera organisé dans le cadre de la branche accidents du travail/maladies professionnelles ».

Rappelons que cette branche est la seule excédentaire de la Sécurité sociale.

Qu’est-ce que ces annonces changent pour les entreprises ?

Principalement, les entreprises n’auront plus à établir un « diagnostic pénibilité » pour 10 facteurs mais seulement pour 6. Les facteurs décriés comme étant les plus compliqués à analyser (est-ce que mon salarié passe plus de 600h / an à porter des poids de plus de 15 kg ? etc.) ont été supprimés, ce qui simplifie considérablement le diagnostic.

Ensuite, il faut noter que le coût de la pénibilité ne sera plus supporté en partie par les employeurs qui auront exposé leurs salariés au-delà des seuils pénibilité mais sera « organisé » au sein de la branche AT/MP ; une mutualisation complète du coût est donc envisageable… Mais cela ne risque-t-il pas d’avoir comme conséquence de limiter les actions de prévention de la pénibilité, que les employeurs auraient dû mettre en place pour faire passer leurs salariés « sous les seuils réglementaires »… ? La question est posée.

Enfin, dans l’euphorie de la « suppression des 4 facteurs », insistons sur le fait que les expositions à ces 4 facteurs ne sont pas pour autant supprimées dans les entreprises ! Les maladies professionnelles en résultant seront une réalité tôt ou tard et les employeurs concernés devront alors bien supporter individuellement le coût de l’incapacité de leurs salariés.

Finalement, n’assiste-t-on pas, en partie,  au basculement d’un système, certes complexe, de prévention à court terme de la pénibilité vers la réparation de maladies professionnelles à long terme ?

(1) La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites soumettait le départ anticipé à la retraite à 60 ans à certaines conditions :

  • a. soit avoir un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) supérieur à 20 % suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle,
  • b. soit avoir un taux d’IPP compris entre 10 et 20 %, et avoir été exposé pendant 17 ans au moins à un ou plusieurs des facteurs de risque définissant « la pénibilité », et pouvoir établir que l’IPP est directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels.

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