Le secteur de l’intérim n’échappe pas à la vague de digitalisation qui s’opère de manière générale dans le monde du travail. Porté par un marché de 24 Md€ en France en 2016, l’emploi intérimaire est de nouveau en croissance depuis 2014.
Avec une population d’intérimaires en grande partie de moins de 35 ans, une hyper-connectivité des nouvelles générations et un impératif accru de flexibilité des entreprises, le véritable boom des acteurs digitaux de l’intérim auquel on assiste apparaît comme une évidence.
Mais alors sur un secteur qui est avant tout une affaire de ressources humaines, la digitalisation dans l’intérim interroge sur la question de la déshumanisation de cette activité.
Comment ces nouvelles solutions ont-elles changé le rapport à l’intérim ? Quelles sont les principales limites de cette nouvelle forme d’utilisation de l’intérim ? Et quel est l’avenir des agences traditionnelles de travail temporaire ?
Un nouveau rapport à l’intérim
Historiquement, le recours à l’intérim par les entreprises est marqué par de nombreux échanges oraux ou écrits entre les 3 parties prenantes : les ressources humaines ou les opérations, le consultant de l’agence d’intérim et l’intérimaire. Chez les entreprises clientes qui n’utilisent pas de logiciel intégrant un module de commande, gérer des demandes aux agences d’intérim nécessite environ 40 % d’un ETP si ce n’est plus (pour environ 35 ETP en moyenne). Les nouvelles solutions digitales ont en quelque sorte court-circuité ces canaux de communication traditionnels. Rapidement, le terme d’ubérisation de l’intérim est apparu pour qualifier ce nouveau phénomène des agences digitales d’intérim.
En effet, le support utilisé et le service client associé utilisent les mêmes codes. Cependant, le terme semble peu approprié dans leur cas tant le cadre juridique qui régit l’intérim est depuis longtemps établit et présente beaucoup de contraintes qui limitent les possibilités de dérives. Ce nouveau type de service n’entraînera donc pas forcément une perte du lien mais plutôt un changement des méthodes d’appel à l’intérim.
Les principales limites du 100 % digital
Les études sur la consommation des nouvelles générations ont depuis longtemps mis en en lumière leur tendance au zapping et la difficulté que cela implique à les fidéliser. Le rapide développement des plateformes digitales de travail temporaire ne fait donc pas exception à cette règle. Tout comme les intérimaires d’aujourd’hui sont connectés à une multitude de réseaux sociaux, ils sont aussi naturellement référencés dans plusieurs agences d’intérims afin de maximiser leur nombre de missions. On assiste donc à une tension du vivier d’intérimaires. Les intérimaires ont désormais la capacité de comparer très rapidement les offres d’emplois. Et un nouvel enjeu de taille apparaît pour les entreprises utilisatrices : être visible (ce qui nécessite d’être présent sur un marché pour l’instant très segmenté des plateformes digitales) et d’être attractif pour capter immédiatement l’attention des ressources mais également les retenir dans le temps.
L’étape suivante, après avoir réussi à attirer les candidats via les plateformes, consiste à recruter les meilleurs éléments correspondant aux attentes de l’entreprise utilisatrice. Le premier risque qui vient en tête des recruteurs passant par des plateformes digitales concerne la fiabilité du profil qui leur a été soumis. L’argument majeur de ces plateformes est leur réactivité dans la proposition de profils (délai de mise à disposition de deux heures après la demande pour certaines offres). Pour assurer une telle disponibilité, il faut miser sur un fort volume d’intérimaires enregistrés et un process de recrutement différent de celui auquel les entreprises utilisatrices sont habituées (contrôle de références, entretien physique en agence, test personnalisé, transmission des résultats au client, etc.). Ce type de sourcing s’adresse donc à un besoin très précis, probablement à un niveau d’exigence plus limité, et ne permet pas forcément de couvrir la majorité des besoins d’une entreprise.
Réaction des agences traditionnelles
Pour se démarquer, les sociétés d’intérim classiques ont mis en place une stratégie sur 2 axes : la diversification de leurs services et l’extension de leur maillage d’agences.
- Le premier axe permettra de se différencier en s’appuyant sur leur connaissance pointue du recrutement pour répondre à une demande croissante d’externalisation de cette partie de la fonction RH dans les entreprises. En complément, elles offrent désormais une gamme plus large de « solutions RH », parfois à travers des filiales dédiées : la formation, le conseil juridique, l’expertise hygiène et sécurité, l’activité de placement bien sûr, qui sont autant d’instruments au service d’un tel positionnement de spécialiste.
- L’autre axe choisi par les sociétés de travail temporaire depuis déjà quelques années est de conserver leur proximité avec les intérimaires en augmentant leur réseau d’agences physiques. C’est ainsi qu’entre 2015 et 2016, c’est plus de 850 agences qui se sont ouvertes dans l’hexagone pour dépasser la barre des 8 000 agences. Leur atout majeur pour contrer les plateformes digitales est leur connaissance du marché du travail local et des spécificités métiers attendues dans des bassins d’emplois souvent portés par 2 ou 3 secteurs d’activités majeurs. De cette manière, on voit par exemple qu’. Exemple : Adecco a ouvert 30 nouvelles agences spécialisées en 2016. On constate qu’Adecco se recentre sur son cœur d’activité qui est notamment d’avoir la capacité de recevoir les intérimaires dans une agence et pouvoir défendre l’argument d’un meilleur suivi de leurs effectifs que les agences digitales ne peuvent assurer.
On voit se profiler un rapprochement des agences traditionnelles et digitales au travers de partenariats. Cette collaboration représente une solution gagnante pour les deux types d’acteurs : une montée en compétence rapide pour les start-up en s’appuyant sur la connaissance du marché des acteurs historiques et une source d’agilité pour les grands groupes de l’intérim via l’intégration des nouvelles technologies trop lourdes à développer en interne.Le marché de l’intérim digital n’en est donc qu’à ses prémisses.
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